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L'Adaptation des cactées à leur environnement

I - INTRODUCTION

La plupart des cactées vivent dans des conditions d’aridité et d’ensoleillement exceptionnelles. Ces plantes ont mis en place une série de mécanismes, et de particularités morphologiques et physiologiques, qui leur permettent de résister et de croître dans ces conditions extrêmes. Même si les cactées présentent des formes que l’on peut trouver bizarres, l’analyse détaillée de leurs structures montre qu’elles ont les mêmes organes, les mêmes tissus et la même organisation que l’ensemble des autres dicotylédones auxquelles elles appartiennent.

Cet article traite des principaux mécanismes biologiques d’adaptation des cactées adultes à la chaleur, à l’ensoleillement et à la sécheresse (cactées globulaires, colonnaires et Oponces). Le découpage des paragraphes de l’article est forcément arbitraire, certains mécanismes décrits ayant des fonctions d’adaptation diverses. L’article n’a pas pour prétention d’être exhaustif (les mécanismes d'adaptation mis en jeu sont innombrables, varient d’une espèce à l’autre et ne sont pas tous connus) mais simplement de répertorier les plus courants et les mieux connus. L’article n’aborde pas, ou peu :

  • les mécanismes moléculaires de l’adaptation qui, par leur diversité, pourraient à eux seuls être l’objet de plusieurs articles.
  • les détails du métabolisme énergétique des cactées
  • les mécanismes de reproduction des cactées en rapport avec leur environnement
  • les mécanismes de défense contre les prédateurs

II – LES FORMES DES PLANTES ET LE PROBLEME DE LA TEMPERATURE

1 - La forme massive :

Les cactées ont quasiment perdu leurs feuilles ancestrales (sauf chez les Pereskia, les Pereskiopsis et les Maihuenioideae), qui constituent les principaux organes responsables de la perte d’eau chez les végétaux. Les feuilles sont réduites à l’état de vestiges quasiment invisibles à l’œil nu, et les plantes ont évolué vers des formes massives. Comme chez la plupart des plantes succulentes leur rapport volume / surface est très élevé pour permettre la rétention de l’eau dans les tissus et limiter leur surface d’évapotranspiration. Ce rapport volume / surface est chez les cactées un des plus élevé du monde végétal. Très certainement, cette augmentation de masse des branches a causé la sélection de mutations génétiques qui ont fait décroitre le nombre de ramifications, et beaucoup de cactées ont peu ou pas de branches latérales.

Les cactées présentent souvent la particularité d’avoir des formes qui évoluent fortement au cours du temps, surtout dans la sous-famille Cactoideae, ce qui se traduit par des changements morphologiques drastiques entre les stades juvéniles et adultes, visibles aussi bien extérieurement qu’au niveau des tissus de la plante.

Chez les cactées, globalement la distribution géographique des formes colonnaires semble être fortement contrainte par les basses températures, alors que les formes globulaires sont plus tolérantes au froid. Il a été remarqué que la diversité des formes des cactées globulaires est corrélée aux précipitations estivales, et aux microsites et aux sols rocheux.

2 - Echapper à la hausse de température :

Les formes globulaires et massives remplissent parfaitement leur rôle de stockage de l’eau mais exposent les plantes à des surchauffes létales du fait de la faible surface d’échange thermique avec l’air ambiant pour évacuer la chaleur issue de l’exposition au soleil. La charge thermique est un problème important chez toutes les plantes : les pigments photosynthétiques, dont les chlorophylles, se comportent comme des corps noirs et, en absence de ventilation, amènent très rapidement les parties photosynthétiques à des températures élevées qui bloquent leur fonctionnement. De plus, la fermeture des stomates des cactées en journée ne peut pas les aider à faire baisser leur température par évapotranspiration.
Dans les conditions naturelles, les tiges des cactées exposées au soleil peuvent avoir une température de 22°C supérieure à celle de l’air ambiant, ce qui peut amener les tissus à des températures de 65°C.

La lutte contre l’élévation de température se fait grâce à plusieurs mécanismes :

- La tolérance à la température : Au départ la tolérance à la chaleur des tissus des cactées est très importante. Par des mesures de survie cellulaire, il a par exemple été montré que des Ferocactus tolèrent des températures proches de 69°C pendant une courte période, et Opuntia ficus-indica tolère jusqu’à 70°C (Nobel et al. 1986), ce qui est la tolérance la plus élevée mesurée jusqu'ici chez une plante vasculaire.

Opuntia ficus-indica

Photo 1 : articles d’Opuntia ficus-indica, chez qui le record de tolérance à la température pour une plante vasculaire à été mesuré.
C’est sur les Opuntia que la plupart des études sur la résistance à la chaleur et à la sécheresse ont été conduites.

- L’acclimatation : Au cours du temps les cactées sont capables de s’adapter à des températures de plus en plus élevées, et le gain d’adaptation est particulièrement important dans les conditions de culture à hautes températures.
Des expériences sur la survie des cellules permettent de déterminer des seuils de tolérance des plantes à la température en fonction du taux de survie cellulaire. Des expériences menées sur 14 espèces de plantes différentes montrent qu’elles sont capables d’augmenter de 6°C en moyenne leur tolérance à la température en réponse à l'accroissement de la température jour/nuit de l'air passant de 40°C/30°C à 50°C/40°C. La demi-vie pour la modification de tolérance à la température (temps pour atteindre la moitié de l'adaptation maximale) est de 1-3 jours (Smith et al, 1984).
Si la température jour/nuit passe de 30°C/20°C à 50°C/40°C, le seuil de tolérance à la température de Carnegiea gigantea et Ferocactus acanthodes augmente de 6°C à 8°C. L'augmentation du seuil de tolérance est totalement achevée en 10 jours, ce qui est largement suffisant pour s’adapter aux modifications saisonnières du climat (Chuan Kee et Nobel, 1986). Des modèles mathématiques montrent que la température maximum supportable pour une courte période pourrait atteindre 74°C pour 3 espèces de cactées globulaires vivant prés du sol, là où les températures sont les plus élevées (Nobel et al., 1986).
La photosynthèse est également capable de s’adapter aux hautes températures (voir le paragraphe «Les adaptations métaboliques »).

- Le diamètre des tiges : la réduction du diamètre des tiges, observée chez les plantes colonnaires qui poussent dans des conditions de température élevée, pourrait être due à la nécessité d’augmenter la surface de contact avec l’air ambiant pour faciliter la perte de chaleur par convection. Sachant cependant que les plantes massives ont une tolérance à la température plus élevée que les plantes à tiges minces.

- L’ombre : Au plus chaud de la journée, la température du sol dans certains déserts peut atteindre 70°C, et seules les plantes qui peuvent croître en hauteur échappent aux effets de la température du sol. Le rayonnement solaire en ondes courtes (la lumière proche du violet et du bleu) est la plus importante variable de l’environnement qui affecte la température des cactées : une réduction de 70% du rayonnement des ondes courtes obtenue par un ombrage abaisse la température de surface de 17°C chez les plantes de 2 cm de diamètre (Nobel et al., 1986). Les petites cactées globulaires qui poussent prés du sol vivent habituellement dans des climats moins chauds ou ont des habitats ombragés. En ce qui concerne les jeunes plantes, elles doivent impérativement germer dans une situation ombragée, souvent à l’abri de plantes adultes pour celles qui croissent dans des biotopes très exposés.

- L’orientation : Les plantes peuvent orienter leur sommet vers le soleil pour limiter la surface latérale exposée (par exemple chez les Ferocactus) ou, chez les Opuntia, orienter les articles de manière à ce que le minimum de surface (la tranche) soit exposé au soleil au moment le plus chaud de la journée.

- L’enterrement : Beaucoup d’espèces qui vivent dans des conditions de forte insolation et/ou de forte sécheresse, ont limité au minimum la partie de la plante qui émerge de terre pour limiter l’exposition au soleil, la perte d’eau et la charge thermique. Certaines espèces sont presque totalement enterrées, comme par exemple des Eriosyce du groupe Thelocephala, ou certains Ariocarpus. Ce mode de vie limite la photosynthèse et ces espèces restent généralement de taille modeste avec une croissance lente. Du fait du faible volume de tissu émergent, ces plantes développent en général des racines napiformes affectées au stockage de l’eau et des nutriments.

- Les épines : La spination et les propriétés de la surface des cactées constituent des solutions importantes contre les hausses de température (voir les paragraphes correspondants).

Ariocarpus kotschoubeyanus v. albiflorus

Photo 2 : Ariocarpus kotschoubeyanus v. albiflorus est une plante chez qui seule une rosette plate émerge de terre, beaucoup plus petite que la racine souterraine.

Eriosyce napina

Photo 3 : dans son milieu naturel seule la partie supérieure de la tige de Eriosyce napina émerge de terre. L’apex déprimé est parfois rempli de terre.

III – LA SURFACE DES CACTEES

1 - Côtes et tubercules :

Chez beaucoup de cactées globulaires et colonnaires, le bourgeon latéral (aréole) est plus ou moins allongé et souvent éloigné du corps de la plante : les bourgeons peuvent être disjoints et former des tubercules disposés en spirales sur toute la surface de la plante (par exemple chez Mammillaria), ou bien être reliés sous formes de côtes par des ponts de tissus parenchymateux (par exemple chez Echinopsis), avec toutes les formes intermédiaires possibles suivant les espèces.

Uebelmannia pectinifera

Photo 4 : La surface côtelée de Uebelmannia pectinifera procure à la plante une surface plus étendue et ménage de profondes travées entre les côtes.

Les principaux rôles des côtes et des tubercules sont les suivant :

- Après une pluie, la plante absorbe de l'eau et augmente de volume. Cette augmentation de volume est limitée par l'élasticité de l'épiderme, ce qui peut avoir pour effet de limiter l’absorption de l'eau ou bien de déchirer l’épiderme. Cette limitation de la surface de l’épiderme est compensée par les repliements des tubercules disposés en spirales ou des côtes en accordéon. La disposition de ces protubérances fait qu’elles peuvent se dilater et se rétracter pour participer au stockage de l’eau, ceci grâce aux cellules spécialisées du cortex qui les composent. Ce changement de volume évite aussi le risque de cavitation en cas de sécheresse et limite le risque d’éclatement de la plante dû à l’imbibition lors des arrosages (voir les paragraphes correspondants).

- la protubérance des aréoles sous forme de tubercules ou de côtes favorise les échanges thermiques avec l’air ambiant pour faire baisser la température, augmente la surface de photosynthèse, et permet de ménager un espace plus humide entre les épines et le corps de la tige (voir le paragraphe spination).

Il faut noter que les tubercules sont associés aux cactées de petite taille, tandis que les cactées colonnaires de grande taille ont toujours des côtes. Alors que les côtes ne permettent qu’un changement de volume radial de la tige des plantes lors des variations d’hydratation, les tubercules permettent un changement de volume de la tige dans toutes les directions (en largeur et en hauteur). Etant donné que les variations de hauteur des tiges ne sont possibles que chez les plantes qui ne possèdent pas de tissu de soutien fibreux, les tubercules ne sont présents que chez les petites plantes, qui peuvent se maintenir dressées par la pression de turgescence des tissus et non du fait de fibres rigides (voir les chapitres correspondants). D’autre part, les côtes pourraient être fonctionnelles sur les longues tiges des cactées colonnaires en fournissant un support mécanique, que ne permettent pas les tubercules.

Mammillaria spinosissima

Photo 5 : Mammillaria spinosissima est une plante complètement recouverte de tubercules, ce qui multiplie considérablement sa surface comparativement à une plante lisse.

2 - L’épiderme :

À la différence de la plupart des plantes, chez qui l’épiderme est un tissu à courte durée de vie, l’épiderme des cactées est un tissu persistant. La perte des feuilles a obligé les cactées à convertir les tiges de la plante en organe photosynthétique et, à la différence des feuilles, cette surface verte à l’obligation de rester fonctionnelle pendant des décennies, voire des siècles. Ceci suppose des mécanismes de protection ou de régénération de l’épiderme et des cellules sous jacentes qui ne sont pas entièrement connus. Chez les cactées une écorce ne se forme que sur les parties très anciennes, à la base de la plante.

Parmi les mécanismes de protection de l'épiderme on compte :

- La cuticule : l’épiderme des cactées est protégé par une cuticule épaisse, composée de cire (lipides à longues chaînes hydrophobes) enrobée dans de la cutine (lipide à courte chaîne), qui limite fortement la perte d’eau et les échanges gazeux à la surface de la plante.

- La pruine : La cire de la cuticule peut être extrudée de la surface et constituer la cire épicuticulaire, ou pruine, une couche mate et poudreuse au touché qui complète la protection.

- Le floconnage : L’épiderme peut être floconneux, ce qui confère une grande protection contre le soleil et renvoie la lumière (par exemple chez les Astrophytum). Ce floconnage, constitué de trichomes, est produit par les cellules épidermiques et est similaire aux trichomes qui apparaissent au niveau des méristèmes axillaires (voir le chapitre correspondant). On observe également des projections pubescentes microscopiques sur l’épiderme de Ariocarpus fissuratus, Monvillea spegazzinii, Opuntia tomentosa et Peniocereus.

- Les pigments : les pigments synthétisés dans l’épiderme ou le chlorenchyme sous-jacent ont principalement un rôle de protection contre les effets nocifs des ultraviolets. Par exemple Darling (1989) a rapporté l’opacité aux UV de l’épiderme/hypoderme de Carnegia gigantea.

Thelocactus hexaedrophorus v. fossulatus

Photo 6 : Thelocactus hexaedrophorus v. fossulatus est une plante dont l’épiderme bleuâtre est recouvert de pruine blanche, qui le protège et renvoie l’excès de lumière.

3 - Les trichomes :

Les trichomes sont des petites touffes de poils blancs qui garnissent la base des aréoles des cactées, ou recouvrent plus ou moins complètement la surface des plantes, comme chez Astrophytum. La totalité des cellules épidermiques de l’aréole évolue sous forme d’épines ou de trichomes au moment de la formation de l’aréole : aucune cellule épidermique ne subsiste. Les trichomes sont des poils unicellulaires, ou plus fréquemment pluricellulaires, de tailles comprises entre quelques dixièmes de millimètres à quelques millimètres. Ils sont poreux et, au microscope, leur surface est striée ou criblée.
Il y a eu beaucoup de spéculations sur le rôle des trichomes. Chez de nombreuses plantes xérophytes, la pubescence épidermique est associée à la captation de l’eau de pluie, ou de l’eau condensée à partir de la rosée ou du brouillard, du fait que la captation de l’eau du sol n’est pas possible (chez les Tillandsias par exemple), ou parce qu’elle ne suffirait pas à assurer la survie de la plante.
Chez Astrophytum, les expériences conduites par Lux et Kopunec (1992) ont montré une absorption de l’eau par la surface des plantes, soit à partir de la phase gazeuse, soit à partir de l’eau liquide déposée sur l’épiderme. Il a été montré que l’absorption d’eau en phase gazeuse par la surface des Astrophytum possédant des trichomes est 10 fois supérieure à celle des plantes qui n’en possèdent pas. Leur rôle pourrait être de condenser l’eau atmosphérique durant la période nocturne, plus froide. Par contre l’absorption d’eau liquide déposée sur l’épiderme est supérieure chez les plantes dépourvues de trichomes. Cette absorption d’eau liquide par l’épiderme est environ 100 fois supérieure à celle de l’eau en phase gazeuse, et pourrait se faire au niveau des stomates (voir ci-dessous).
Chez Blossfeldia liliputana, une plante poïkilohydre qui a la possibilité de se déshydrater complètement puis de revenir à la vie à la faveur d’une réhydratation, il a été montré que l’absorption de l’eau déposée sur la surface des plantes se fait principalement par absorption au niveau des aréoles, possiblement par l’intermédiaire des nombreux trichomes qui existent à ce niveau (Bartlott et Porembski, 1996).
Le rôle des trichomes aréolaires dans la protection du méristème apical semble aussi bien établie : beaucoup d’espèces produisent de grosses touffes de trichomes sur les aréoles à l’apex, qui recouvrent complètement le méristème. Ensuite ces trichomes se détachent et tombent au fur et à mesure que la plante grossit et que les aréoles se retrouvent sur une position latérale sur la tige.

Astrophytum coahuilense

Photo 7 : l’épiderme couvert de flocons blancs (trichomes) de Astrophytum coahuilense le protège de la lumière, en plus d’une possible action dans la captation de l’eau et le camouflage dans l’environnement.

4 - Les stomates :

L’énorme majorité de l’eau transpirée par une plante vasculaire l’est par les stomates. Les stomates sont les organes de la respiration : ils sont constitués de 2 cellules qui s’écartent ou se rejoignent pour permettre l’ouverture d’un pore qui met à l’air libre une cavité sous jacente (chambre sous-stomatique) et permettent d’effectuer les échanges gazeux entre les cellules et l’air ambiant. Alors que chez les plantes à feuilles les stomates se répartissent essentiellement sur les surfaces foliaires, du fait de l’absence de feuilles développées chez les cactées, les stomates ont la particularité d’être présents sur la tige de la plante. Comme pour l’épiderme (voir chapitre correspondant), les stomates des cactées sont des unités à très longue durée de vie, capables de fonctionner des décennies, voire des siècles, tant que l’épiderme reste vert. Le métabolisme CAM permet aux stomates de rester fermés la journée, pendant la période chaude, et de limiter la perte d’eau par évaporation. Chez les cactées côtelées, ils sont disposés dans le fond des cannelures, là où l’atmosphère est la moins brassée par le vent et reste la plus humide.
Ces stomates sont également beaucoup moins nombreux à la surface des cactées comparativement au nombre de stomates à la surface des plantes non succulentes. Chez les cactées leur nombre est estimé entre 15 à 70 stomates / mm2 (Gibson et Nobel, 1986), avec un moyenne de 31 stomates / mm2 sur les tiges des Cactoideae (Sajeva et Mauseth, 1991). Les deux cas extrêmes étant Aztekium ritteri avec environ 5 stomates/mm2 (Anderson et Skillman, 1984) et Blossfeldia avec une moyenne de 0,6 stomates / mm2 (Barthlott et Porembski, 1995), soit le taux le plus faible comptabilisé chez une angiosperme terrestre autotrophe. Chez Blossfeldia liliputana et Maihuenia poeppigii les stomates sont localisés uniquement au niveau des aréoles.
En cas de sécheresse du sol, ce sont les racines des plantes qui donnent l’alerte en générant de l'acide abscissique qui, véhiculé par la sève du xylème, déclenche la fermeture des stomates : l'évaporation et les échanges gazeux avec l’atmosphère s'arrêtent.

5 - La spination :

Comme toutes les plantes, les cactées avaient à l’origine une alternance de feuilles réparties le long d’un axe de croissance, ces feuilles sont conservées dans la sous-famille des Pereskioideae. Chez beaucoup de cactées globulaires et colonnaires, les bourgeons au-dessus de la base du pétiole sont souvent éloignés du corps de la plante par des excroissances corticales et prennent la forme d’aréoles disposées sur des tubercules ou des côtes. Les jeunes feuilles sont parfois visibles sur les jeunes plantes et les Opuntia, mais elles sont surtout réduites à l’état de vestiges et ont pris la forme d’épines qui croissent par la base. Les verticilles d’épines des aréoles sont l’équivalent des feuilles d’un rameau secondaire atrophié et invisible (comme dans les bouquets d’aiguilles des pins). Les cellules et les tissus de ces épines n’ont plus aucune des caractéristiques de ceux des feuilles, mais se rapprochent des tissus fibreux du bois, cependant sans les vaisseaux. Les cellules des épines meurent (depuis leur apex vers la base) à maturité et même souvent lors de la croissance de l’épine. Elles deviennent ainsi rigides et impropres à la déperdition de l’eau.

Eriosyce ceratistes v. Cerro Huatalame

Photo 8 : les épines de Eriosyce ceratistes fma Cerro Huatalame, tendre et brun clair à la base au moment de la pousse, deviennent sombres et dures en se déshydratant.

Apex Echinopsis aurea

Photo 9 : les épines nouvellement poussées au niveau de l'apex de Echinopsis aurea sont épaisses, tendres et translucides. Elles vont sécher, durcir et devenir opaques en vieillissant.

Un point important, et qui distingue les cactées, est que les épines persistent même si le méristème axillaire de l’aréole se développe en fleur puis en fruit. En effet, la floraison de la plupart des angiospermes cause la perte des bourgeons axillaires et laisse, après la maturité des fruits, l’équivalent d’une cicatrice. Chez les cactées, les bouquets d’épines persistent tels qu’avant la floraison et continuent d’assurer leurs rôles essentiels pour la plante. De ce fait les aréoles doivent être considérées comme de cours rameaux plutôt que comme des simples bourgeons.

La spination est très variables suivant les espèces et, au-delà de son rôle protecteur contre les prédateurs (par camouflage ou en les repoussant), elle remplit deux rôles majeurs dans l’adaptation aux conditions climatiques, suivant l’écologie des espèces :

- Dans les milieux secs avec un très fort ensoleillement, les plantes seraient tuées sans protection. Beaucoup de cactus sont protégés du plein soleil par une dense couverture d'épines. Les épines ont alors une implantation ou une orientation tangentielle par rapport à la surface, des formes papyracées, étoilées, plumeuses, sétacées, laineuses ou pectinées. Elles protègent l’épiderme des radiations solaires, de la déshydratation, de l’échauffement, de la photoinhibition de la photosynthèse et des dommages créés à la chlorophylle et à l’ADN : leur rôle s’est donc transformé pour être l’opposé de celui des feuilles à partir desquelles elles ont évolué. La spination renvoie aussi une partie importante du rayonnement reçu.
Les espèces de cactus qui sont adaptées aux expositions semi-ombragée (certains Echinopsis, Mammillaria, Notocactus) ou aux hauts plateaux froids, humides et nuageux ont des épines destinées à la protection solaire qui sont moins nombreuses ou plus courtes.

Mammillaria plumosa

Photo 10 : Mammillaria plumosa, dont les cellules épidermiques des épines forment de longs trichomes plumeux projetés vers l’extérieur et qui ne sont d’aucun secours contre les prédateurs. Ils masquent totalement l’épiderme et le protègent contre l’intensité du rayonnement solaire.

Mammillaria pectinifera

Photo 11 : Mammillaria pectinifera développe des touffes d’épines pectinées tangentielles à la surface de la plante qui font office de parasol.

- Le fait que les épines soient implantées sur les sommets des tubercules ou des côtes surélevées par rapport à la surface de la tige permet de créer des travées préservées de la circulation de l’air et du vent sec, et de préserver l’atmosphère humide des chambres sous-stomatiques situées dans le creux des cannelures. La spination crée une protection contre le pouvoir desséchant du vent, particulièrement chez les plantes à épines laineuses, comme les Oreocereus.

- Pour certaines plantes, la spination a un rôle dans la condensation de l’humidité nocturne ou issue du brouillard, et fonctionne comme une sorte de piège à eau, qui ruisselle vers le sol et est captée par des racines de surface. Par exemple, Espostoa lanata capture quotidiennement la brume qui se condense sur ses épines laineuses. Les épines centrales pointées vers le bas laissent égoutter l’eau vers le sol, où elle sera absorbée par les racines.

- Chez quelques espèces, l’intérieur des épines est lacunaire et leur surface est parcourue de fissures (par exemple chez Turbinicarpus klinkerianus, Discocactus horstii et Opuntia invicta) : ces épines ont un rôle dans l’absorption d’eau. Quand la surface de la plante est mouillée, l’eau est absorbée par les épines puis par le corps de la plante (Schill et Barthlott, 1973 ; Poremski, 1994). Cette absorption d’eau par les épines peut être significative dans les régions avec un fort brouillard. Cette absorption par la plante de l’eau issue de la condensation atmosphérique, a aussi été mise en évidence avec l’épiderme et le flaconnage de surface de certaines plantes, tels que les Astrophytum.

- Sans être une adaptation directe aux milieux arides, il faut citer les glochides, qui sont typiques des opuntioideae (sauf Puna clavarioides). Ce sont de courtes et fines épines, en bouquets denses au niveau des aréoles, et avec un épiderme barbelé. A la différence des autres épines des cactées elles sont sécables à leur base et se libèrent au moindre contact : elles ont un rôle avant tout défensif contre les prédateurs. Il existe d'autre part des épines avec une fonction glandulaire (par exemple chez Cylindropuntia acanthocarpa, Neoraimondia arequipensis et Ancistrocactus scheeri) : elles exsudent un nectar nutritif qui attire les fourmis, ces dernières assurant la protection de la plante (Pickett et Clark, 1979) ou la pollinisation des fleurs (Oliveira et al, 1999). Enfin, il a été montré que les épines et glochides d’Opuntia microdasys ont un rôle dans la condensation du brouillard en surface de la plante, cette eau est ensuite absorbée au niveau des aréoles et contribue de façon importante à l’hydratation de la plante (Ju et al. 2012).

Echinocereus reichenbachii

Photo 12 : Echinocereus reichenbachii photographié en été et en hiver. L’implantation tangentielle des épines sur la crête des côtes, en étoiles légèrement pectinées, ménage des travées protégées ou persiste un air plus humide.
A droite : Quand la plante est correctement hydratée le gonflement des côtes les écarte et permet à la lumière d’accéder à l’épiderme.
A gauche : Quand la plante est déshydratée le flétrissement du cortex rapproche les côtes, et les épines qui se chevauchent protègent l’épiderme du soleil.

IV – LE SYSTEME RACINAIRE

Les modifications du système racinaire tiennent une grande place pour optimiser l’absorption de l’eau chez toutes les cactées, ceci suivant leurs conditions de vie. Les racines fasciculées et fibreuses des cactées sont décrites comme une adaptation à des milieux caractérisés par des pluies légères, qui n’imprègnent qu’une couche superficielle du sol, ou pour absorber de l’eau de condensation qui ruissèle de la surface de la plante. Par contre les racines napiformes sont associées au stockage de l’eau et des hydrates de carbone, et permettent aux plantes de subir des conditions de fortes sécheresses sans trop se déshydrater.

1 - Racines superficielles :

Suivant les espèces, certaines plantes développent un large réseau de racines superficielles destiné à collecter l’eau de condensation qui se dépose à la surface du sol durant la nuit, l’eau déposée au sol par la condensation du brouillard ou l’eau des courtes averses avant son évaporation. Par exemple, le système racinaire d'un jeune Carnegiea gigantea de seulement 12 cm de haut couvre une superficie d'environ 2 mètres de diamètre, mais ne pénètre que de 10 cm dans le sol (Benson, 1982). Chez Ferocactus acanthodes, dans le désert de Sonora, les racines superficielles à 8 cm de la surface du sol en moyenne sont capables d’absorber l’eau des averses si rapidement que le fonctionnement des stomates, interrompu pendant la sécheresse, redevient normal 24h après la pluie (P.S. Nobel). Les cactées sont aussi capables de produire très rapidement de fines racines après des précipitations (rain roots), capable d’absorber l’eau très efficacement, et qui meurent ensuite rapidement quand l’eau n’est plus disponible.

2 - Racine napiforme ou tubéreuse :

Beaucoup de cactées ont des racines succulentes qui stockent l’eau et les nutriments sous terre, à l’abri de la chaleur, de la déshydratation et des prédateurs. Les racines tubéreuses s’élargissent par un mécanisme totalement différent de celui des tiges extérieures. A la différence des tissus de surface, le cortex racinaire est très réduit et le stockage souterrain se fait dans du tissu parenchymateux : c’est toujours les tissus secondaires (le xylème secondaire du bois) qui deviennent succulents. Chez les espèces de cactées avec des racines succulentes, la plante produit beaucoup de bois sous-terrain chaque année, beaucoup plus que ce qui est produit dans les tiges extérieures. Cette croissance rapide est possible parce que ce bois est fait de tissus « peu coûteux » tels que le parenchyme ou les cellules WBT (voir le paragraphe sur le bois). En plus de l’eau, et à la différence du cortex succulent extérieur, les racines tubéreuses stockent des concentrations élevées d'amidon de réserve au niveau de leur bois.

Eriosyce occulta

Photo 13 : plant de Eriosyce occulta. Le volume de l’énorme racine tubéreuse représente plusieurs fois celui de la partie émergée.

3 - Racines plongeantes :

Suivant les milieux de vie, certaines espèces développent des racines plongeantes, sur plusieurs mètres, pour aller collecter l’eau dans les profondeurs de la terre.

4 - L’échange d’eau dans les racines :

La pression osmotique dans le tissu racinaire des plantes non succulentes est environ de 100 KPa, mais elle est plus élevée dans les racines de cactées, elle a pu être mesurée jusqu’à des valeurs de 14 715 KPa, et leur confère un pouvoir d’absorption de l’eau très important. En période de forte sécheresse des cactées peuvent complètement déshydrater leurs fines racines pour éviter la perte d’eau dans le sol.

5 - Les symbioses :

Des études de plus en plus nombreuses ont mis en évidence des symbioses entre cactées xérophytes et microorganismes, associés aux plantes au niveau des racines. Il semble que ces symbioses soient un phénomène général chez ces plantes, et même obligatoire pour les cactées qui vivent dans un sol purement minéral ou de la roche. Les organismes associés aux cactées peuvent être des champignons, mais ce sont plus généralement des bactéries, qui vivent au contact des racines (rhizoplane), à l’intérieur des racines ou même à l’intérieur des cellules de la plante (endobactéries). Le rôle de cette association plantes–bactéries est essentiel pour la survie et la croissance des plantes dans les milieux inhospitaliers qui sont les leurs : ces bactéries dégradent et solubilisent la roche, permettent aux plantes de s’y établir et leurs apportent des éléments minéraux et nutritifs. Il a également été montré qu’elles freinent la déshydratation des plantes et favorisent la photosynthèse. Les bactéries qui fixent l’azote atmosphérique peuvent fournir jusqu’à la totalité de l’azote des cactées qui poussent dans la roche, qui en est totalement dépourvue.

V – LES ADAPTATIONS METABOLIQUES

1 - Les conséquences du métabolisme acide crassulacéen :

Malgré les risques liés à la perte d’eau, les plantes n’ont jamais développé de structure capable d’absorber le CO2 atmosphérique nécessaire à la photosynthèse tout en bloquant la perte d’eau par transpiration. Cependant, la plupart des plantes succulentes, dont les cactées, ont mis en place un système photosynthétique particulier pour l’absorption du CO2 atmosphérique : le métabolisme acide crassulacéen (CAM). Sans plus entrer dans les détails du métabolisme CAM, largement décrit dans de nombreuses publications, explorons ses conséquences sur l’adaptation à la sécheresse.
Les cellules photosynthétiques des plantes CAM doivent obligatoirement comporter de grandes vacuoles pour stocker le malate durant la nuit, issu de l’absorption du CO2, ainsi que de l’amidon comme source de carbone pour cette synthèse nocturne du malate. Ce mécanisme ne peut donc se mettre en place que chez des plantes pour qui l’apport en eau est limité.
La séparation temporelle jour/nuit entre les 2 étapes majeures de la photosynthèse propre au mécanisme CAM, plutôt qu’une séparation de ces voies entre différents compartiments de la plante, est à la base de cette adaptation à la sécheresse. Le fait que les cellules photosynthétiques aient la propriété de fixer le CO2 la nuit permet aux plantes de fermer leurs stomates la journée, en période chaude, et ainsi de limiter la perte d’eau par transpiration et aussi la perte du CO2 libéré par décarboxylation du malate. Les stomates s’ouvrent la nuit pour permettre les échanges gazeux, quand l’atmosphère est plus froide, ce qui limite l’évapotranspiration.
Comme l’apport en CO2 se fait la nuit, l’utilisation de l’eau d’une plante CAM est plusieurs fois plus efficace que chez une plante en C3 ou C4 : les cactées perdent 50 à 100 g d’eau pour chaque gramme de CO2 absorbé, alors que les plantes en C4 perdent 250 à 300 g d’eau et les plantes en C3 perdent 400 à 500 g d’eau.
Les cactées ajustent leurs échanges gazeux en fonction de l’humidité ambiante. Chez Opuntia robusta le gain net de l'absorption quotidienne de CO2 est plus que quintuplé entre la fin de la saison sèche au printemps et le milieu de la saison des pluies en été.
En ce qui concerne l’inhibition de la photosynthèse par l’excès de lumière, le métabolisme CAM permet de réduire le risque de photoinhibition. Les cactées sont capables de s'acclimater aux conditions de lumière en faisant des ajustements photochimiques, principalement en modifiant le seuil de lumière pour lequel le photosystème II est saturé. Cela peut favoriser la survie aux niveaux de lumière très variables caractéristiques des environnements désertiques.

2 - Adaptation de la photosynthèse à la température :

La fonction photosynthétique est connue pour être aussi fortement inhibée par les hautes températures chez toutes les plantes. En ce qui concerne les cactées, elle est aussi inhibée par les excès de température mais avec des tolérances plus élevées. De plus, comme pour l’acclimatation des cellules décrite plus haut, la photosynthèse est capable d’augmenter progressivement sa température de fonctionnement.
Chez Opuntia ficus-indica, pour les plantes maintenues à des températures jour/nuit de 30°C/20°C, le passage à 50°C provoque une baisse de 39% des réactions photosynthétiques au cours de la première heure, 31% supplémentaire après 4 heures, et 100% après 12 heures. Le changement de culture de la plante de 30°C/20°C à 45°C/35°C, provoque une augmentation de 3°C à 8°C du seuil de tolérance de la photosynthèse à la température. La demi-vie pour cette acclimatation est en moyenne de 4 jours (Mahadev et Nobel, 1987). L’acclimatation progressive peut conduire la photosynthèse à une tolérance de températures très élevée et faciliter la croissance dans les déserts chauds.

3 - Fonctionnement en circuit fermé :

Certaines plantes sont capables de clore leurs échanges gazeux avec l’extérieur et de fonctionner en circuit presque fermé, de jour comme de nuit, lors des périodes de sécheresse prolongées.
Par exemple, le régime métabolique de Opuntia basilaris est très contrasté suivant les précipitations (Szarek S. R., et al. ; 1973). Pendant les périodes de sécheresse, les échanges de CO2 avec l'atmosphère et la transpiration sont considérablement réduits, de jour comme de nuit, du fait de la fermeture permanente des stomates et d’une cuticule très imperméable. La production endogène de CO2, principalement issu de la respiration, est retenue et recyclée par le biais de la fixation nocturne du CO2 propre au mécanisme CAM et la synthèse d’acides organiques. Immédiatement après une précipitation, les cycles d’ouvertures nocturnes des stomates sont relancés, permettant au CO2 atmosphérique d’être assimilé et à la synthèse des acides organiques de reprendre.

4 - L’estivation :

Certaines plantes ont un arrêt métabolique lors de la période la plus chaude de l’année (similaire à ce que l’on peut observer lors de l’hivernation), quand les conditions climatiques ne leurs permettent pas de maintenir un métabolisme suffisant.

VI - L’ADAPTATION DES TISSUS

1 - Une adaptation indispensable :

Les modifications à ce niveau sont habituellement invisibles et donc inconnues des collectionneurs, mais elles représentent un axe central de l’adaptation des cactées à leurs conditions de vie. Seules les variations de volume et les fortes rétractations des plantes de certaines espèces lors des périodes de sécheresse donnent une idée de l’adaptation des tissus à la sécheresse.
La succulence des cactées est toujours fondée sur l’hypertrophie des tissus primaires, essentiellement le cortex (le tissu situé entre l’épiderme et les faisceaux conducteurs), et parfois la moelle (partie centrale entourée par les faisceaux conducteurs).



Coupe Echinopsis subdenudata

Photo 14 : coupe transversale fine de la tige de Echinopsis subdenudata montrant les différents tissus.
La stèle : constituée de tissu fondamental parenchymateux central, ou moelle, entourée de cordons de faisceaux conducteurs de xylème et phloème primaires.
Le cortex : constitué d’une couche externe de cellules photosynthétiques, ou chlorenchyme, et d’une zone centrale de cellules parenchymateuses de stockage de l’eau.
Le tout est entouré de l’épiderme et de sa cuticule.

2 - Le méristème apical :

Le méristème apical, zone de croissance unique des cactées, est une zone vitale. Du fait de la forme massive des cactées, il a en charge de produire un nombre considérable de cellules pour assurer la taille en largeur des plantes (les tiges de cactées sont constituées de tissus primaires dérivés directement du méristème apical et non de tissus secondaire produits par un cambium). Par exemple un tronçon de tige de 1m de Trichocereus pasacana pèse environ 32 kg. Si le nombre de divisions par cellule augmente, les risques d'endommager l'ADN augmentent aussi. Le méristème apical des cactées est de très grande taille, jusqu’à atteindre un record de taille chez certaines espèces : plus de 2,5 mm de diamètre chez Echinocactus platyacanthus et Echinocactus grusonii, assez gros pour être visible à l'œil nu. Plutôt que quelques centaines de cellules méristématiques comme chez les autres plantes, les méristèmes apicaux des cactées contiennent des milliers, voire des dizaines de milliers de cellules. Cette grande taille fait que le nombre de divisions par cellule reste bas, ce qui limite l’accumulation des mutations génétiques lors de la réplication de l’ADN.
Il reste cependant d’une grande vulnérabilité : l’épiderme y est beaucoup plus mince et, de par sa position sommitale, il est très exposé à la déshydratation et à l’irradiation ultraviolette qui peut endommager l’ADN. Suivant les espèces, la protection du méristème passe par :

  • Une forme déprimée, concave, de l’apex qui limite l’exposition solaire. En effet, le méristème est situé dans une dépression au sommet de la plante et ne représente pas le point physique le plus apical : cette dépression provient du fait que les nouvelles cellules du cortex qui sont formées croissent plus vite que les nouvelles cellules de la moelle, de telle manière que le cortex forme un bourrelet charnu qui fait protrusion au dessus du méristème. La dépression apicale peut être de 3 cm de profondeur et de 20 cm de large chez des grosses plantes telles que Echinocactus ou Echinopsis.
  • La synthèse de pigments protecteurs qui limitent les effets de l’irradiation ultraviolette
  • Un épiderme pubescent à l’apex ou un réseau d’épines plus dense que sur le reste de la plante, qui protège les cellules apicales de l’ensoleillement sous un parasol opaque.

Coupe Echinopsis subdenudata

Photo 15 : chez Mammillaria heyderi ssp. hemisphaerica, l’apex déprimé est complètement protégé du soleil par les tubercules jointifs, la spination et les touffes de trichomes des aréoles.

Copiapoa dura

Photo 16 : le méristème de Copiapoa dura est protégé à la fois par des épines acérées et les trichomes des aréoles.

Gymnocalycium uruguayense

Photo 17 : le méristème de Gymnocalycium uruguayense est fortement déprimé, ce qui limite son exposition au soleil.

3 - Les méristèmes axillaires :

Comme indiqué plus haut, les méristèmes latéraux, situés au niveau des tubercules ou des côtes, portent le nom d’aréoles et doivent être plus considérés comme de cours rameaux que comme de simples bourgeons. Si le méristème apical est protégé des radiations solaires par un ensemble de mécanismes qui permettent de le masquer, il n’en est pas de même des aréoles, qui sont particulièrement exposées du fait de leurs positions proéminentes.
Un autre type de mécanisme protège les méristèmes axillaires. Les méristèmes axillaires produisent une abondance de trichomes en même temps que la croissance des épines (il n’y a pas d’exception connue). Dans la plupart des espèces chaque cellule épidermique de l’aréole devient soit partie d’une épine, soit partie d’un trichome : il n’y a pas de cellule épidermique qui reste « ordinaire » au niveau des aréoles. Chez toutes les espèces de cactées, les trichomes meurent aussitôt leur croissance achevée. Le méristème axillaire est alors entouré et protégé par une touffe dense de trichomes qui le masque complètement et fait écran au rayonnement solaire.
Dans un petit sous-groupe des Cactoideae (par exemple Coryphanta et Mammillaria), le méristème axillaire est repoussé au fond de la travée au fur et à mesure que le tubercule se développe, ce qui le protège du rayonnement solaire.
Chez Mammillaria chaque méristème axillaire se divise en deux au moment de la formation du tubercule : l’un est propulsé vers l’extérieur avec la croissance du tubercule, alors que le second méristème reste en position stationnaire à la base du tubercule. Celui exposé au sommet du tubercule produit immédiatement des épines puis devient inactif : si il est ensuite endommagé par le rayonnement solaire cela a peu d’impact pour la plante. Celui qui est protégé du soleil à la base du tubercule reste actif et est responsable de la production des fleurs et des branches latérales.

4 - Un cortex surdéveloppé à volume variable :

Structure du cortex :

A la différence des autres plantes succulentes, et surtout des plantes non succulentes, le cortex des cactées à évolué pour devenir un tissu de rétention de l’eau très épais et le principal tissu responsable de la succulence. Il est divisé entre une partie externe responsable de la photosynthèse (le chlorenchyme) et une partie interne responsable du stockage de l’eau (un parenchyme) très épaisse.
Le chlorenchyme est constitué de « palissades », qui sont des rangées de cellules perpendiculaires à la surface de la plante. Les cellules des palissades ont peu de contacts entre elles, et ménagent des travées d’espaces vides qui permettent une diffusion rapide des gaz à travers l’épaisseur du tissu.

Des vaisseaux latéraux radiaux :

La conséquence de cette épaisseur de parenchyme du cortex est que le chlorenchyme photosynthétique est repoussé très loin des vaisseaux du xylème et du phloème central de la tige (plus de 30 cm pour les Echinocactus) : la diffusion de l’eau et des solutés dans de telles épaisseurs de tissus est très lente. L'eau perdue en surface de la plante par évaporation doit être remplacée rapidement et, inversement, les sucres et l'amidon produits par le chlorenchyme doivent être acheminés au reste de la plante. Chez les cactées cette diffusion se fait par des canaux latéraux radiaux qui irriguent le cortex à partir de la zone de bois central, prévenant la déshydratation de surface, et qui ramènent vers l’intérieur de la plante les sucres synthétisés dans la zone corticale photosynthétique. Du fait de la longévité des tiges de cactées, les cellules conductrices du phloème de ces vaisseaux sont remplacés au cours des années, à mesure qu’ils se collapsent.
Ces canaux représentent une innovation importante et indispensable dans la sous-famille Cactoideae, car ils permettent aux parties photosynthétiques d’adopter des formes très massives que l’on ne retrouve pas chez les autres plantes succulentes (chez presque toutes les plantes vasculaires le cortex n’est pas vascularisé). Les Opuntioideae, les Maihuenioideae, Pereskioideae, ainsi que Blossfeldia liliputana, ne possèdent pas ces vaisseaux corticaux, ce qui indique qu’il s’agit d’une adaptation évolutive assez récente des Cactoideae.
Ces vaisseaux latéraux ont une configuration et une anatomie similaire aux vaisseaux présents dans les feuilles et, comme les vaisseaux des feuilles, ils ne s’étendent jamais dans l’épiderme ou l’hypoderme mais s’arrêtent juste à la base du tissu photosynthétique. D’après Mauseth, ils pourraient être issus d’une mutation qui aurait permis aux cellules du cortex des Cactoideae d’activer ectopiquement des gènes normalement exprimés dans les feuilles.



Coupe Echinopsis subdenudata

Photo 18 : coupe transversale épaisse de la tige de Echinopsis subdenudata montrant les vaisseaux latéraux qui rayonnent de la stèle et traversent le cortex parenchymateux pour aller irriguer le chlorenchyme.

Des cellules collapsables :

L’eau stockée dans le cortex interne doit être facilement disponible pour les autres cellules, particulièrement celles qui ne peuvent pas se permettre de se déshydrater, comme les cellules photosynthétiques. Dans tous les cactus, les parois des cellules du cortex intérieur, le parenchyme responsable du stockage de l’eau, sont particulièrement minces et souples, ce qui leur permet de varier de volume quand elles libèrent de l’eau. Dans de nombreuses espèces il y a une modification supplémentaire : les parois cellulaires sont repliées ou ondulées. Ces cellules sont appelées cellules collapsables du cortex et, grâce à ces plis, elles sont capables de collapser très facilement lors de la déshydratation (le collapsus est l'effondrement d'une cavité ou d'un conduit sur lui-même, ce qui l'obstrue). En revanche, les parois cellulaires du cortex extérieur ou se trouvent les cellules photosynthétiques, le chlorenchyme, sont épaisses et sans repliement, ce qui leur permet de garder leur forme et d’éviter de perdre de l’eau. Par conséquent, quand le volume d'eau à l'intérieur d'un cactus diminue, les cellules du cortex intérieur se déshydratent au profit d'autres cellules, en réduisant au minimum le stress hydrique des cellules photosynthétiques et en permettant à la photosynthèse de continuer.
Chez Opuntia ficus-indica, 3 mois de sécheresse diminue la photosynthèse de la phase nocturne (baisse de 73% de l’accumulation nocturne d'acide dans le chlorenchyme) et abolit la transpiration, mais aussi 27% de l’eau du chlorenchyme et 61% de l'eau du parenchyme sont perdus au cours de cette période. Cependant, la pression de turgescence est maintenue dans le chlorenchyme après ces 3 mois de sécheresse, alors qu’elle diminue par 7 dans le parenchyme de stockage de l'eau par rapport aux périodes humides (Golstein et al., 1991).
Chez Ferocactus acanthodes, le stock d’eau est suffisant pour que les stomates continuent à s’ouvrir normalement pendant 40 jours après que le sol soit devenu trop sec pour fournir la moindre parcelle d’eau. Il a été mesuré que l’eau provenant des tissus de stockage contribue pour environ un tiers de l'eau transpirée pendant la nuit : la majorité de cette eau vient du parenchyme non photosynthétique, c’est à dire le parenchyme de stockage de l'eau (Schulte et al., 1989). Après 7 mois de sécheresse l’activité des stomates s’interrompt, quand le potentiel osmotique de la tige est 2 fois plus élevé que pendant la période humide (P.S. Nobel).
Barcikowski et Nobel ont montré pour 3 espèces de cactées que celles-ci peuvent survivre à une perte moyenne d’eau de 81% dans la tige, l’eau perdue est essentiellement celle du tissu de stockage, le chlorenchyme restant le plus hydraté (W. Barcikowski et P.S. Nobel ; 1984).

Cellules collapsables

Schéma 1 : déshydratation des cellules collapsables du parenchyme cortical au bénéfice des cellules photosynthétiques du chlorenchyme.
1 : en période d’humidité toutes les cellules sont turgescentes.
2 : en période de sécheresse, les cellules collapsables aux parois flexibles se compriment et libèrent de l’eau au profit des cellules photosynthétiques, aux parois rigides, qui doivent rester fonctionnelles.

5 - Une prodigieuse diversité du bois :

Toutes les cactées sont des plantes à bois, et elles possèdent une diversité de types de bois sans équivalent dans le monde végétal. Comme chez toutes les angiospermes, l’eau et les sels minéraux issus du sol sont acheminés dans le xylème par des vaisseaux et des trachéides, cellules du bois allongées, creuses et perméables à maturité. En plus des vaisseaux et des trachéides le bois contient des cellules parenchymateuses qui stockent diverses substances, ainsi que des fibres de soutien.
Chez les plantes non succulentes le bois est principalement un tissu de soutien et de conduction de la sève, plus qu’un tissu de stockage. Cependant, un tissu de soutien rigide ne permet plus de dilatation et de rétractation des tissus propre à permettre l’absorption et la perte d’eau, et éviter la cavitation (voir plus loin). Chez les Cactoideae c’est sans doute une raison pour laquelle le bois de soutien est d’apparition très tardive, voire presque absent (chez les espèces de cactus nains il existe seulement une faible quantité de bois, de constitution très délicate).
Chez ces plantes le bois de soutien n’est produit qu’à partir d’une certaine taille, quand la pression de turgescence n’est plus capable de soutenir le poids de la plante ou sa hauteur. Jusqu’à l’apparition du tissu de soutien, le bois présent reste constitué de trachéides (WBT, voir plus loin), sans aucune fibre rigide. L'apparition du bois de soutien est visible dans les coupes transversales de vieilles plantes : la base de la plante est constituée d’un anneau extérieur de fibres récentes qui enserre d’anciennes trachéides, alors que le sommet de la plante - tissu plus récent - contient d'emblée du bois de soutien.
Plusieurs caractéristiques importantes du bois des cactées sont universelles dans cette famille de plantes : aucune tige de cactus ne produit de bois central (les cellules de la moelle restent vivantes, même chez les très vieilles plantes) et les cellules du bois ont une très longue durée de vie comparée aux autres plantes à bois (les cellules du bois des cactées n’ont pas de mort programmée).
Même s’il garde son rôle principal de conduction de la sève (et il se différencie donc du bois des racines napiformes), le bois des tiges de cactées a évolué vers une augmentation de la quantité d'eau stockée dans ce tissu, particulièrement chez les plantes jeunes ou globulaires. Du fait qu’elle soit proche des vaisseaux, cette eau stockée dans le bois est plus disponible que celle du cortex ou de la moelle. L'augmentation de la capacité de stockage de l'eau dans le bois a été obtenue par des moyens différents suivant les espèces.

Coupe Mammillaria backebergiana

Photo 19 : Coupe de tige de Mammillaria backebergiana colorée. Le colorant a pénétré dans les faisceaux conducteurs du cylindre central et les rend visibles.
Dans le coin haut à gauche : coupe de tige de Echinopsis subdenudata colorée qui montre aussi les faisceaux conducteurs du cylindre central, autour de la moelle plus dense. Des segments de vaisseaux latéraux qui partent du bois vers le chlorenchyme sont bien visibles.

Pour augmenter le volume de rétention d’eau, beaucoup de cactus globulaires ont limité la quantité de bois de soutien qu’ils ont remplacé par du parenchyme de stockage : L'augmentation du parenchyme axial est généralement accompagnée d'une diminution des fibres du xylème, le bois devient alors à la fois plus lourd et moins résistant. Cette augmentation de parenchyme est telle qu’il finit par gainer les vaisseaux du bois, et durant les périodes de stress hydrique les vaisseaux peuvent puiser l’eau dans le tissu qui les entoure. Ce bois parenchymateux est présent habituellement dans des plantes larges et peu hautes, dans lesquelles le poids de la plante peut être supporté par la pression de turgescence des tissus.
Dans plusieurs genres, les rayons (système de cellules d’extension radiale par lequel passe l’eau et les nutriments entre les divers compartiments du bois, et qui sert aussi au stockage des réserves nutritives) sont devenus gigantesques. Chaque vaisseau (vertical) du bois pourrait avoir de nombreux contacts avec plusieurs de ces grands rayons horizontaux. L’ensemble des réserves est alors interconnecté et accessible aux vaisseaux.

Gymnocalycium fischeri

Photo 20 : sur une petite plante comme Gymnocalycium fischeri, le bois de soutien est quasiment absent et la plante n’est maintenue debout que grâce à la pression de turgescence des tissus.

6 - Echapper à la cavitation :

Pourquoi la cavitation ?

Chez toutes les plantes vasculaires l’eau de la sève est aspirée vers le haut du fait de la déshydratation des tissus supérieurs causée par l’évaporation ou l’utilisation de l’eau, et non poussée à partir du bas par la pression racinaire. Du fait de l’énorme cohésion qui existe entre les molécules d’eau sur toute la longueur du trajet, la sève peut résister à cette tension, et la succion est transmise de l’extrémité de la tige jusqu’à la pointe des racines (théorie de la cohésion-tension). De plus, l’adhérence de l’eau aux parois des trachéides et des vaisseaux, très hygroscopiques, permet de maintenir cette cohésion en dépit de la pesanteur.
Les très fortes variations de l’hydratation des tissus de la tige, associées à un déficit d'absorption d'eau au niveau des racines, peuvent être la cause de cavitation.
La cavitation correspond à une rupture de la colonne d’eau à l’intérieur de la plante, par la formation de bulles de gaz dans les vaisseaux et trachéides du bois, les obturant et stoppant la circulation des fluides. Aucune plante vasculaire n’échappe à la cavitation et elle peut être mortelle si elle est trop étendue. En évitant la cavitation en période de sécheresse, la plante maintient l'intégrité de la colonne d'eau. La pompe reste amorcée : lors des pluies, la masse liquide absorbée par les racines est tirée vers le haut par la tension de l'eau.
Du fait de leurs conditions de vie, la cavitation représente un problème majeur pour les cactées. Chez les plantes non succulentes, un des mécanismes de lutte contre les effets de la cavitation est de fabriquer en permanence de nouveaux vaisseaux qui remplacent ceux bouchés par les bulles de gaz. L’écologie des cactées ne leur permet pas une telle croissance du bois et d’autres mécanismes ont été mis en place par ces plantes pour éviter la cavitation.

Cavitation

Schéma 2 : représentation schématique d’une plante et d’un vaisseau conducteur, de ses échanges d’eau avec le milieu extérieur et de l’apparition de la cavitation.
1 : l’eau perdue par évaporation au niveau de la tige permet de tirer l’eau du sol humide vers le haut par un phénomène de succion, qui est rendu possible par la cohésion des molécules d’eau à l’intérieur des vaisseaux conducteurs.
2 : en période de sécheresse, la quantité d’eau évaporée au niveau de la tige est supérieure à la quantité d’eau qui peut être absorbée dans le sol. La tension de la colonne d’eau dans les vaisseaux conducteurs est telle que la cohésion des molécules est rompue et que des bulles de gaz se forment et obturent les vaisseaux.

Taille des vaisseaux :

Le bois peut se protéger de la cavitation en jouant sur le diamètre de ses vaisseaux : les vaisseaux les plus larges ont tendance à caviter les premiers. Chez les cactées les vaisseaux du bois sont en moyenne assez étroits. Du fait que les gros vaisseaux sont rares, leur cavitation ne provoque pas une grande perte dans la conductivité de la sève. L’inconvénient des vaisseaux étroits est qu’ils ont un moins grand pouvoir de conduction de la sève, mais il n'y a pas beaucoup d'eau à acheminer en période de sécheresse. Cet inconvénient est par contre plus gênant en période de pluie, quand la plante doit extraire le plus rapidement possible l’eau du sol avant qu’elle n’ait disparu.

Rôle des trachéides :

La plupart des cactus ont la particularité d’avoir des trachéides à large paroi (wide-band tracheid : WBT). Ce sont des cellules dont la paroi secondaire est constituée d’anneaux ou de tubes en hélice. Le terme “large paroi” vient de l’épaisseur considérable de la paroi cellulaire qui restreint fortement la lumière de la cellule. La cohésion de l’eau est accentuée par le faible diamètre des trachéides.
Parce que la paroi secondaire des trachéides est soit annulaire ou en hélice, la paroi principale n’est pas lignifiée et l'eau peut entrer et sortir facilement de la cellule. Cependant, à la différence des vaisseaux, les trachéides ne possèdent pas de perforations dans leur paroi et sont donc moins efficaces pour la conduction de l’eau. Chez les cactées le rôle principal des WBTs semble être plus le stockage de l'eau que la conduction de la sève.
Pour une plante devant faire face à des conditions de sécheresse, le principal avantage des trachéides sur les vaisseaux réside dans la sécurité car, à la différence des vaisseaux, l’absence de perforation de leur paroi leur permet d’arrêter les bulles d’air : Une bulle reste limitée à une trachéide et l’interruption du courant d’eau est donc limitée.

Chez les cactées les anneaux ou l'hélice permettent à la WBT de ne pas rester rigide et de longueur fixe. Quand la cellule perd de l'eau, la mince paroi primaire peut plier vers l'intérieur entre les anneaux ou les spires de l’hélice, et la cellule devient plus courte. Peu importe la quantité d'eau que la WBT donne aux tissus environnants, son volume peut diminuer en fonction du volume d'eau libéré. Etant donné qu’une cellule cavite seulement si elle contient un volume d'eau inférieur à son propre volume, la WBT évite la cavitation. Lors des pluies les WBT se remplissent de nouveau et reprennent leur longueur initiale. Les WBTs ne peuvent diminuer de taille que si le bois lui-même peut diminuer de taille : les WBTs se trouvent presque exclusivement dans les bois sans fibres, c'est-à-dire surtout dans les cactées globuleuses dont le poids est supporté par la pression de turgescence. Si du tissu de soutien apparaît chez une plante qui ne peut plus se soutenir par sa seule pression de turgescence, ces fibres rigides apparaissent habituellement loin des WBT.
Les WBTs existent dans les trois sous-familles de cactées : elles sont très rares chez les Pereskioideae, avec leur bois fibreux, mais elles sont très présentes chez les Opuntioideae et Cactoideae.

Rôle du parenchyme :

Bien que certains cactus aient augmenté la taille ou le nombre de leurs rayons, chez d'autres espèces, c'est surtout le parenchyme paratrachéal qui a augmenté de volume et les vaisseaux sont entourés de ce parenchyme. Durant les périodes de stress hydrique, les vaisseaux n'ont pas à s'appuyer sur la capacité des racines à extraire l'eau du sol, les vaisseaux puisent l'eau des cellules du parenchyme qui les enveloppe : la cavitation devient presque impossible car l'abondant parenchyme paratrachéal est en mesure de remplir les vaisseaux.
Très rarement, la matrice du bois est composée de xylème sans aucune fibre : les vaisseaux du bois de ces plantes ne traversent rien d'autre que les tissus de stockage de l'eau, toutes les cellules sont remplies d'eau et la plante pourrait probablement mourir de dessiccation avant que ses vaisseaux ne puissent caviter.

7 - Le pouvoir d’imbibition :

L’imbibition est le déplacement des molécules d’eau à l’intérieur d’un substrat solide. Chez les plantes, beaucoup de grosses molécules de polysaccharides végétaux (par exemple la cellulose) sont polaires et attirent les molécules d’eau - elles même polaires - qui y adhèrent. L’absorption de l’eau est maximisée chez la plupart des cactées. Les mucilages sont des polysaccharides complexes trouvés en grandes quantités dans les cactées, parfois à des concentrations spectaculaires, qui possèdent un très grand pouvoir d’absorption et de stockage de l’eau. La libération de l’eau à partir du mucilage requiert ensuite de l’énergie et il a été fait l’hypothèse que le mucilage est même digéré lors des sécheresses prolongées pour permettre la libération de l’eau vers les tissus. Le contenu en mucilage varie fortement suivant les espèces et peut atteindre des quantités très importantes : il est absent chez Ferocactus acanthodes, mais représente 19%, 26% et 35% du poids sec chez Opuntia basilaris, Opuntia acanthocarpa et Echinocereus engelmannii respectivement.
Le mucilage est synthétisé dans des cellules spécialisées dispersées dans le parenchyme et le cortex, et est ensuite excrété entre la membrane plasmique et la paroi cellulaire. Ces cellules à mucilage finissent par mourir et deviennent des sacs à mucilage. Chez les Opuntia ces cellules sont tellement nombreuses quelles peuvent former des canaux dans les articles, et chez Ariocarpus fissuratus il existe une cavité mucilagineuse géante qui remplie le centre de la racine. Il est probable que le mucilage représente aussi un moyen de stockage du carbone. Les pressions engendrées par l’imbibition sont extrêmement puissantes et reflètent le pouvoir de rétention de l’eau : en cas de fort arrosage le gonflement du mucilage peut conduire à l’éclatement de la plante.

Gymnocalycium ferrarii

Photo 21 : Ce Gymnocalycium ferrarii, plante avec une racine tubéreuse, à éclaté à droite et à gauche du fait d’un arrosage trop abondant.

Coupe Mammillaria backebergiana

Photo 22 : sur cette coupe de Mammillaria backebergiana, on voit des canaux de cellules à mucilage situées à la base du chlorenchyme qui laissent échapper leur contenu à la surface de la coupe.

8 - Les blessures :

Les cactus ont des mécanismes pour colmater et sceller rapidement les tissus blessés et éviter la perte d’eau par évaporation. Les cactées produisent un polysaccharide particulier, visqueux, qui couvre la blessure et sèche sous forme de film résistant et imperméable qui empêche les pertes d’eau. Un autre mécanisme de fermeture des plaies repose dans la production d'une couche de liège imperméable à l’eau. Ce mécanisme est présent chez Carnegiea gigantea.
Szarek (Gibson et Nobel, 1986) a montré qu’un Cylindropuntia bigelovii coupé à sa base, puis suspendu à un anneau dans le désert, a survécu 3 ans sans aucun contact avec le sol. La cicatrice qui s'est formée à l’endroit de la coupe a rapidement stoppé la perte d'eau.

9 - L’adaptation des cactées au froid :

Ce dernier paragraphe se situe au niveau du chapitre sur “L’adaptation des tissus” car l’essentiel des mécanismes de l’adaptation au froid des cactées est tissulaire.
Certaines espèces de cactées vivent dans des zones géographiques avec de forts écarts de températures entre les saisons, et peuvent tolérer des températures fortement négatives.
Parmi les plantes les plus résistantes au froid dans l’hémisphère nord, et qui supportent de longues périodes de gel, les tolérances aux températures les plus basses mesurées par P.S. Nobel varient de -48°C pour Opuntia fragilis var. fragilis, -25°C pour O. humifusa, -22°C pour Escobaria vivipara var. vivipara et -18°C pour O. polyacantha var. polyacantha (Nobel et Bobich, 2002).
Les adaptations tissulaires et morphologiques sont responsables de la résistance au froid des cactées, avec une part plus ou moins grande de chacun de ces deux paramètres suivant les espèces. Par exemple, la seule adaptation tissulaire peut rendre compte de la plus grande adaptation au froid de la tige de Escobaria vivipara var. rosea, qui pousse 600 m plus haut que l’espèce morphologiquement similaire Escobaria vivipara var. deserti, dans le sud Nevada. Inversement, les variations morphologiques seules peuvent expliquer les différences de tolérance au froid de Carnegiea gigantea comparé à Stenocereus gummosus, et de Ferocactus acanthodes comparé à Ferocactus wislizenii, poussant à des limites nord variables dans le sud-ouest des Etats-Unis (P.S. Nobel, 1982). Si les cactées ont développé des mécanismes originaux pour résister à la sécheresse et à la chaleur, les mécanismes tissulaires impliqués dans la résistance au froid sont proches de ceux trouvés chez les plantes non succulentes.

Trois mécanismes principaux en sont responsables :

  • l’acclimatation,
  • la déshydratation,
  • l’augmentation de la concentration en hydrates de carbone.


La tolérance au froid des cactées évolue suivant les changements climatiques saisonniers et se renforce au fur et à mesure de l’arrivée de la saison froide. Par exemple, le renforcement de la tolérance au froid en réponse à la diminution progressive de la température de l'air a été mesuré pour les deux espèces Denmoza rhodacantha et Trichocereus candicans : le passage de la température jour/nuit de 50°C/40°C à 10°C/0°C abaisse de 4°C la température limite de tolérance au froid, avec une demi-vie de l’acclimatation (temps pour atteindre la moitié de l’acclimatation maximale) de 3 jours (P. S. Nobel, 1982).
Pour les deux espèces de cactus sensibles au froid Ferocactus viridescens et Opuntia ficus-indica, et le cactus rustique Opuntia fragilis, 14 jours après le passage des plantes de températures jour/nuit de 30°C/20°C à 10°C/0°C, la teneur en eau du chlorenchyme diminue pour O. fragilis seulement. Ce changement de températures induit une amélioration de la tolérance au gel du chlorenchyme d’environ 2,0°C pour F. viridescens et O. ficus-indica, mais de 14,6°C pour O. fragilis (Loic et Nobel, 1993).

Ishikawa et Gusta ont rapporté que des articles de Opuntia fragilis prélevés sur une plante en pleine végétation au milieu de la saison normale de croissance ne tolèrent pas un gel nocturne de –3,5°C. Cependant un article terminal prélevé au milieu de l’hiver tolère une lente congélation à –50°C sans dommage apparent, et un article de O. polyacantha collecté au milieu de l’hiver tolère –40°C (Ishikawa et Gusta, 1996).

Une déshydratation de la plante préalable à la période de froid est essentielle pour amener une bonne tolérance au froid des cactées : la réduction de la quantité d’eau dans le sol à l’approche de la période froide améliore la résistance des cactées au froid en augmentant le ratio hydrate de carbone / eau dans les tissus vasculaires. De la même façon, une exposition chaude durant la période de végétation augmente la quantité d’hydrates de carbones stockés dans les tissus et améliore ensuite la résistance au froid.
Les articles des Opuntias de déshydratent quand le climat de rafraîchit, même si les plantes sont dans un sol humide. Le passage de la température jour/nuit de l’air de 30°C/20°C à 10°C/1°C provoque après deux semaines une diminution de 15% de l’épaisseur des articles chez Opuntia ficus-indica et de 25% chez Opuntia polyacantha. Pendant cette période la perte d’eau par transpiration baisse progressivement mais la captation de l’eau du sol par les racines chute brusquement de 90%, du fait d’une forte baisse de la conductivité hydrique des racines proportionnelle à l’intensité du froid (Cui et Nobel, 1994).

Pour l’Opuntia rustique O. humifusa, le passage de la température jour/nuit de l’air de 25°C/15°C à 5°C/-5°C amène un certain nombre de modifications dans le chlorenchyme et le parenchyme de stockage de l’eau. Après 14 jours à 5°C/-5°C la quantité moyenne d'eau diminue, passant de 92% à 78% dans le cortex. Après 7 semaines à 5°C/-5°C, l'épaisseur du chlorenchyme est réduite de 61% et celle du parenchyme de stockage de 65%, et le contenu relatif en eau diminue respectivement de 42% et 68%. Ces changements contribuent à une augmentation de la pression osmotique de 0,55 MPa pour les chlorenchyme et 0,34 MPa pour le parenchyme de stockage. Pendant ces 7 semaines le contenu en mucopolysaccharides augmente de 114% pour la chlorenchyme et de 89% pour le parenchyme de stockage. Ce mucopolysaccharide pourrait agir comme «antigel», réduire les pertes d'eau à partir des cellules, et ainsi réduire les dommages dus à la formation de glace extracellulaire (M.E. Loik & P. S. Nobel ; 1991).
La baisse de la température s’accompagne aussi d’une augmentation des cryoprotecteurs dans les articles de la plante, comme le fructose, le glucose, le sucrose, le mannitol et le sorbitol. Cette augmentation de la concentration des solutés est supérieure chez O. humifusa, plus résistant au froid, que chez O. ficus-indica (Nobel et al, 1995).

Opuntia humifusa aout
Photo 23 : Opuntia humifusa, un champion de la résistance au froid, photographié au mois d'août. En période de croissance la plante présente un aspect normal, avec des articles bien turgescents.

Opuntia humifusa janvier
Photo 24 : le même plant d'Opuntia humifusa photographié au mois de janvier. A l'approche de l'hiver les articles se sont fortement déshydratés, conférant à la plante cette apparence ridée. Bien que la plante reste sous la pluie ou la neige, avec un substrat de culture détrempé, elle n'absorbe pas d'eau. C'est cette déshydratation hivernale qui est la principale responsable de sa résistance exceptionnelle au froid.

Plus que la concentration des solutés eux-mêmes, c’est la baisse de la quantité d’eau résiduelle susceptible de geler dans le milieu extracellulaire qui règle la tolérance au froid des cactées.
L’augmentation de la concentration en acide abscisique dans les tissus règle la synthèse des cryoprotecteurs et la baisse du contenu en eau. On retrouve une très bonne corrélation entre le contenu en acide abscisique et la tolérance au froid des cactées.

VII – CONCLUSION

Les modifications anatomiques des cactées, visibles à l’œil nu, sont bien connues des collectionneurs, mais beaucoup d’autres modifications invisibles sont aussi responsables de leur adaptation aux conditions climatiques. Si certaines adaptations sont communes à d’autres familles de plantes - comme par exemple les Euphorbiacées succulentes - et témoignent d’une évolution convergente, d’autres adaptations sont propres aux cactées. Il reste encore beaucoup à apprendre du côté des adaptations physiologiques et biochimiques, responsables de leur adaptation à leurs conditions de vie.

Auteur : Fabrice Cendrin
Publié le : 2008/09/07.

Mise à jour : 28 mars 2013

La version originale de cet article est consultable sur Le Cactus Heuristique

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