Cristations et bizarreries épineuses
John Pilbeam aborde le sujet de quelques cristations et de bizarreries à la spination exceptionnellement réduite.
Cet article a été originellement publié dans le British Cactus & Succulent Journal Vol. 99 (2). Juin 2001.
Merci à John Pilbeam et à la BCSS pour leurs autorisations de traduction et publication ici.
Les photographies sont de l'auteur et Bill Weightman
51 Chelsfield Lane, Orpington, Kent, BR5 4HG, Royaume-Uni.
Un des avantages à semer des graines chaque année, depuis je ne sais combien de temps, est la production occasionnelle de bizarreries qui se manifestent tôt ou tard, comme des plantes cristées ou variegata. C’est encore plus passionnant lorsqu’apparaît une curiosité que vous n’aviez encore jamais vue. La tentation d'essayer trop tôt de greffer le semis concerné, avec les risques inhérents à la greffe, doit être mise en balance avec le risque, si vous ne le faites pas, qu'à coup sûr ce sera cette plantule qu'une larve de mouche des semis ou qu'un champignon choisira d'attaquer.
Il y a maintenant plusieurs centaines de cactus cristés connus et Stuart Riley de ‘Plantlife nursery’ dans l'East Sussex semble en trouver de nouveaux chaque année lors de ses voyages, pour en allonger la liste. Certains sont bien plus aisés que d’autres à entretenir, restant nets, créant d'attrayants labyrinthes de crêtes entortillées, méritant le surnom de ‘cactus cerveau’ qui leur est souvent attribué. D'autres, habituellement les espèces à tiges plus épaisses, forment un lent et épais éventail qui au final pèsera sur son support quelque soit le porte-greffe utilisé. J'ai vu des plantes cristées énormes telles que des Mammillaria rhodantha ou spinosissima, pesant dix livres1) ou plus. Les cristations d'Espostoa, de Pilosocereus, d'Echinocactus grusonii ou de Cleistocactus strausii, pour n'en citer que quelques-unes, sont parmi les plus attrayantes chez les plantes à forte croissance.
On trouve occasionnellement des cristations de plantes d'habitat âgées. Ce sont de loin les plus grandes qu’il m’ait été donné de voir. Trois me viennent à l'esprit. La première que j’ai vue était une énorme crête en éventail de Ferocactus peninsulae au sud de la Basse Californie, d’environ 30 centimètres de large sur un mètre d’un bout à l’autre. La deuxième concernait un groupe de Machaerocereus (Stenocereus) gummosus, lui aussi dans le sud de la Basse Californie, poussant en une masse épaisse évoquant le buisson de ronces de «Brer Rabbit in the Briar Patch»»2)comportant plusieurs tiges cristées apparues tardivement dans la vie de la plante et arrivant de ce fait à peu près au niveau de l’épaule. Elles étaient de telles dimensions que pour les mettre en culture il faudrait l'aide d'une grue, car bien qu’elles soient plus fines que celles du Ferocactus (dans les 10 centimètres de large), elles devaient faire environ un mètre de long.
La troisième dont je me souviens était une énorme crête de Carnegiea gigantea, célèbre et si souvent célébrée en photo au Phoenix Desert Garden en Arizona. Elle était dressée sur une tige d’au moins trois Bowderys3) de hauteur et mesurait au moins un Bowdery et demi d’un bout à l’autre de l’énorme éventail entortillé tout au sommet de la colonne. (Voir mon livre Cacti for the Connoisseur pour avoir une idée de la taille de Bowdery par rapport aux plantes, où il figure sur plusieurs photographies comme unité de mesure - environ 5 pieds 6 pouces4) - sur plusieurs photographies.)
Carnegiea gigantea cristé poussant au Phoenix Desert Garden, Arizona, USA
Il y a généralement moins de succulentes cristées disponibles et je trouve la plupart d'entre elles moins attrayantes que celles des cactus, mais j’ai pu en voir quelques unes qui rivalisaient vraiment avec leurs cousins épineux.
Celle que j'ai vue dans la pépinière de Grigsby en Californie en automne 1996 était vraiment sensationnelle, une forme cristée d'Euphorbia abdelkuri, avec une couleur jaune-orangée extraordinaire sur les zones de croissance récente de la crête. Elle s'est cristée tardivement, semble-t-il, et se dresse donc fièrement sur le haut de sa tige, comme si elle avait été greffée sur une plante normale de la même espèce. Je ne sais pas si elle a déjà été diffusée, mais je suis sûr que tôt ou tard des producteurs habiles seront tentés de s'y attaquer et qu'elle arrivera sur le marché. Je vois cette perspective avec autant d'appréhension que lorsque je me suis procuré ma première plante normale de cette espèce. Car si les amateurs d’Euphorbia réussissent à la faire pousser, j'ai personnellement échoué lamentablement, sans doute en raison d'une température insuffisante. Mais je me laisserais surement tenté par cette irrésistible forme cristée, si l'occasion se présente, tant elle est belle.
Une crête d'Euphorbia lactea ‘Grey Chost’
Une autre que j'ai rencontré est connue comme une cristation d’Euphorbia lactea 'Grey Ghost'5), qui a été largement diffusée par les pépinières continentales. J'ai essayé la méthode humide pour sa propagation comme j'ai tendance à le faire pour les espèces d’Euphorbia ayant une tige sensiblement moins épaisse, telle qu’E. aeruginosa. De cette manière, la bouture est placée directement dans un compost humide et prend racine habituellement en quelques semaines, mais je n’ai réussi à faire raciner aucune de mes boutures. Je pense que la prochaine fois j'essayerai à l’inverse une méthode plus sèche, en les laissant dans un pot vide à la lumière, mais sans soleil direct, jusqu’à ce qu’il y ait un début d’enracinement à la base de la bouture. A ce stade, en les plaçant dans un compost légèrement humide, elles devraient s’enraciner rapidement.
Une autre qui m'avait été donnée pour diffusion était une cristation d'Euphorbia obesa relativement âgée, que je considère comme l’une des plus belles cristations de succulente. Elle a toutefois, avec l'âge, tendance à former à la base des croutes marrons assez disgracieuse. Elle est habituellement cultivée sur porte-greffe, comme le sont beaucoup de cristations et j’aurais bientôt recours au scalpel, si je peux trouver un nombre de porte-greffes suffisants, à savoir des espèces vigoureuses, épaisses et colonnaires, comme Euphorbia resinifera. Peut-être puis-je le faire aussi avec E. lactea 'Grey Ghost’ mais je dois d'abord avoir des porte-greffes.
Un plant cristé de Mammillaria bocasana 'Fred'
Du côté des cactus j'ai eu trois nouvelles cristations dans mes semis de ces dernières années, ce qui fait seulement une douzaine de cas environ pour une cinquantaine d’années de semis : un pourcentage tristement bas. J'avais déjà vu l’une de ces nouvelles cristations auparavant en culture : Rebutia einsteinii var. gonjianii. C'est probablement l’espèce de Rebutia la plus difficile à cultiver, avec des tiges fines, de très petites épines, mais avec la plus jolie teinte de fleur : jaune comme la poudre de crème anglaise. La plante a été dûment greffée pour être multipliée, une tâche aisée avec la bande continue que forment les canaux vasculaires dont les plantes cristées disposent, transformant son mariage avec le porte-greffe en une opération simple. J'ai eu la présence d’esprit de garder plusieurs porte-greffes pour une future multiplication. Malheureusement il a le plus souvent l'habitude de retourner à une croissance normale en différentes parties sur la longueur de la cristation, émergeant ici et là, évoquant les multiples formes de croissance de l’Opuntia clavarioides, qui semble incapable de se décider entre cristé ou non cristé. Un greffon au moins est resté constant en gardant sa croissance cristée sans égarement, et en formant une cristation très attractive, ondulée et avec la couleur verte-brunâtre de cette variété mais verte sur les zones de récente croissance. C’est l’une des plus agréables à regarder.
Un autre semis a donné une forme étrange de Gymnocalycium andreae, qui a été renommé depuis ces dernières années en G. doppianum, ou G. andreae var. doppianum, non encore officiellement décrit. Il a présenté une croissance en cristation un peu semblable à la précédente, avec des épines marron pourpre, très courtes et raides, mais avec une zone de croissance légèrement plus large et pas, pour le moment, de tendance à revenir à la normale. Sa forme est plus bosselée, sa croissance est inégale comparée à celle, bien nette, du Rebutia, mais elle est néanmoins très attractive.
Ferocactus latispinus aux épines exceptionnellement courtes
J'ai un autre semis de Gymnocalycium en réserve sur mes tablars dans la pépinière, qui semble ne pas arriver à se décider entre une forme cristée et une forme normale. Jusqu’ici il poussait normalement mais a maintenant stoppé sa croissance, semblant se diviser par dichotomie. On peut voir souvent cela chez les espèces du genre Mammillaria, mais pas, à ma connaissance, dans le genre Gymnocalycium. C'est l’une des nombreuses formes de G. mihanovichii ou peut-être G. friedrichii (maintenant identifié sous G. stenopleurum). Il n'y a pas encore assez de partie cristée sur la plante pour greffer et encourager, si tout se passe bien, le développement de cette tendance à la cristation, mais je l’ai récemment rempotée et j'encouragerai toute croissance dans l'idée d'au moins l'aider à faire son choix.
Il semble y avoir actuellement très peu d'espèces de Gymnocalycium cristées, ce qui me surprend depuis que j’ai lu un livre japonais donné par Y. Ito, où il n'y a pas moins de six représentants : G. anisitsii, G. mostii, G. saglionis, G. gibbosum, G. quehlianum et G. bruchii. Même s’il a été publié il y a 40 ans, il semble probable que certaines soient encore en culture et que d'autres puissent être apparues.
Des trois cristations que j’ai produites, la première était une Mammillaria microhelia, il y a 5 ou 6 ans environ. Lorsque j’en ai greffé des morceaux, j’ai utilisé deux parties différentes de la crête. La première avait les ordinaires et jolies épines radiales jaunes et avait développée des épines centrales marron-rouge, qui ont continué à apparaître dans le développement de la cristation. La seconde a été prélevée directement au bord de la zone de croissance où les épines centrales n’étaient pas encore développées et, à ma surprise, a continué à pousser sans développer d’épines centrales, faisant une cristation d’apparence tout à fait différente. À la différence de certaines Mammillaria cristées, je n'ai pas encore vu de fleurs apparaître sur cette espèce.
Gymnocalycium spegazzinii à la spination anormalement courte
C’est pourquoi je suis toujours content d’obtenir de nouvelles espèces de Mammillaria cristées, car c’est un des rares genres qui produit des fleurs sur ses versions cristées. J'ai vu des fleurs sur des cristations de M. zeilmanniana, M. wildii, M. longiflora et M. carmenae, mais jamais encore sur quelques autres, comme M. gracilis, M. geminispina, M. bella, M. perbella, M. goldii, M. elongata, M. nana, M. dioica, M. schiedeana, M. pennispinosa, ou de plus récentes acquisitions, comme M. bombycina, M. humboldtii, M. theresae, M. bocasana, M. lasiacantha, M. compressa, pour n’en citer que quelques unes de toutes celles connues (voir la page 25 de mon récent livre sur les Mammillaria pour une liste plus complète).
J’aimerais attribuer une mention spéciale à trois plantes en particulier : M. elongata dans la forme la plus communément vue, sans épines centrales apparentes, faisant une merveilleuse masse de tiges étroites ondulées, très rapprochées et justifiant le commentaire si fréquemment entendu sur sa ressemblance avec un cerveau, et elle y ressemble effectivement. M. bocasana, celle qui semble être la forme communément identifiée sous “multilanata”, avec une dense laine blanche, atteignant son paroxysme dans la forme cristée. Et enfin Mammillaria 'Fred', dont la structure incroyable ressemble à une forme de M. bocasana, qui est encore plus bizarre dans sa forme cristée, comme le montre la photographie.
Une des raisons pour lesquelles j'ai commencé à écrire sur ces bizarreries du monde succulent était de porter à votre attention certaines formes étranges qui deviennent à la mode ces dernières années alors qu’elles étaient assez peu fréquentes auparavant. Ce sont des sujets avec des épines épaisses et courtes, ayant pour résultat à mon avis, avec un aspect plus inhabituel, de rendre les plantes plus attrayantes.
Probablement la plus connue d'entre elles, est la forme de Mammillaria gracilis ayant de gros et denses bouquets d’épines bien individualisés, et connue sous le nom de M. gracilis forme monstrueuse ou encore M. gracilis ‘Arizona Snowcap’. Également bien connue, on trouve une forme d’Echinocactus grusonii à la spination réduite, voire quasi-inexistante sur certaines plantes.
Un des meilleurs exemples parmi les plantes ayant cette particularité est un Echinocereus davisii, qui fleurit facilement (et normalement) comme la forme normale, avec des fleurs vertes, tôt au printemps. C’est vraiment une très jolie petite plante aux épines nettes, de croissance aussi lente voire plus lente que la plante normale, même greffée comme je l’ai reçue.
Mammillaria gracilis 'Arizona Snowcap'
Deux espèces de Gymnocalycium ont également produit une spination réduite dans les semis que j’ai effectués. La première, G. leptanthum, n’a pas l’air différente tant que l’on ne l’a pas comparée à la forme normale, avec des épines plus courtes et plus épaisses bien sûr, mais pas de manière aussi évidente que d’autres de ce type. La deuxième m'enthousiasme davantage, elle est déjà attrayante dans son état normal, c’est une espèce de choix avec une spination étourdissante : le G. spegazzinii. Une des espèces à la croissance la plus lente du genre et pouvant présenter des problèmes de culture si un bon drainage et une grande patience ne sont pas prodigués. Les épines sont extrêmement courtes, et bien qu’elle ne soit qu’une jeune plante, l'apparence est très plaisante et j’ai hâte de la voir grandir. Avec un peu de chance, elle continuera à produire des épines minuscules.
Deux autres espèces sont apparues dans des fournées de semis, une par mes soins, l’autre par ceux de Derek Bowdery, le premier est un Echinopsis calliantholilacina et l'autre est un Ferocactus latispinus. Leur développement est contrôlé passionnément par mes soins.
Comme vous pouvez le constater, ces bizarreries font des plantes plus attractives, et je suis sûr qu'elles feront leur entrée sur le marché. Ce que nous faisons avec elles sur les tables des expositions est une autre affaire.
Bibliographie
- ITO, Y. (1957) Explanatory Diagram of Austroechinocactinae.
- PILBEAM, J. (1995) The Cactus File 2 (6) : 2.
- PILBEAM, J. (1999) Mammillaria – The Cactus File Handbook 6.
Traduit pour le Cactus Francophone par Nicolas POINTEAU et Flavien HERIOT
Relu par Philippe CORMAN
Mise en page Nicolas POINTEAU
Publié le 2010/10/29
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