Eriosyce laui - Une énigme chilienne
Cet article a été originellement publié dans le BRITISH CACTUS AND SUCCULENT JOURNAL, BCSJ vol 23, n°2, juin 2005 sous le titre original “Eriosyce laui, a chilean engima” par PAUL HOXEY.
Merci à PAUL HOXEY et à la BCSJ pour leurs autorisations de traduction et de publication sur ce site.
Photos par A. de Barmon et l’auteur.
Pour cette version française, Paul Hoxey et Aymeric de Barmon ont fourni des photos supplémentaires qui n'étaient pas dans l'article original.
Qu'ils en soient remerciés ici.
Paul Hoxey
34 Stonehill Road Great Shelford, Cambridge, CB2 5JL
paul[ a ]hoxey.com
La famille des cactus avec quelques 2.000 espèces est incroyablement variée, avec une bonne part de plantes vraiment uniques. Pendant la dernière décennie, un bon nombre de nouveautés ont été trouvées en Amérique du Sud, comme Eriosyce laui (1994), Cintia knizei (1996), Puna bonnieae (1997) ou Yavia cryptocarpa (2001). Bien que ces espèces ne soient pas étroitement apparentés les unes aux autres, toutes sont de petites plantes avec une aire de répartition restreinte qui leur ont permis de passer inaperçues, jusqu'à récemment. Eriosyce laui est peut-être le moins compris et le plus énigmatique de ce petit groupe. Récemment, le genre monospécifique Rimacactus (Roy Mottram 2001) a été créé pour cette espèce, bien qu'il n'ait pas été universellement accepté. Cependant, au-delà de cette considération, cette plante, son habitat, son écologie et sa morphologie restent extraordinaires. C’est une merveille de la nature qui s’est adaptée à une niche très spéciale, dans un des environnements les plus rudes qui soit et a développé des caractéristiques et une stratégie de survie uniques.
La découverte
Spécimen greffé remplissant un pot de 8 cm. J'ai montré cette plante à Alfred Lau en la qualifiant de petite plante. Il me répondit en riant qu'aucune plante d'habitat n'était aussi grosse qu'un seul de ses rejets.
Alfred Lau, au cours de ses explorations en Amérique du Sud à la fin des années 1960 et au début des années 1970, a découvert une petite plante en haut des collines au-dessus de la ville de Tocopilla dans le Nord du Chili. C’est une région extrêmement sèche où les pluies sont pratiquement inexistantes. La seule source d’humidité est la Camanchaca 1) qui vient du large de l’océan pacifique. Cependant, dans cette partie nord du Chili, elle est ténue et sporadique, et seule une flore très limitée peut survivre. Alfred était à la recherche de Copiapoa tocopillana (désormais considéré comme une sous-espèce de C. humilis) quand il a découvert un petit cactus blanc laineux poussant profondément dans les fentes des rochers. Il a d'abord pensé qu'il s’agissait d’un jeune Copiapoa, mais des fleurs sèches lui ont ensuite suggéré qu’il s’agissait de plantes matures d’une nouvelle espèce non encore décrite et à la parenté incertaine. Alfred a recueilli quelques spécimens, mais malheureusement tous sont morts avant d'être introduit en culture pour étude. Alfred, n'étant pas du genre à oublier quelque chose de si intéressant, eut l'occasion au cours de sa visite suivante en Amérique du Sud, en 1986, de revenir sur le site. Et, même après 15 ans, de mémoire, il a retrouvé cette espèce. Cette fois, les plantes ont été mises en culture avec succès, mais la greffe a été nécessaire pour assurer leur survie car leurs racines délicates avaient été cassées avant d’arriver au Mexique.
Jonas Lüthy rendait visite à Alfred à son domicile, au Mexique, lorsque la mystérieuse plante a fleuri pour la première fois en 1989. Cela leur a causé une grande émotion, les deux compères passant la journée dans la serre à regarder les pétales s’ouvrir. Jonas s'est chargé de la description d'Eriosyce laui, publiée quelques années plus tard dans une annexe de l'ouvrage “The genus Eriosyce” par Fred Kattermann. La principale raison du choix de ce genre est le grand fruit rose, creux, conçu pour la dispersion des graines par le vent et ayant des similitudes avec les Islaya, aujourd’hui regroupés sous Eriosyce par Kattermann. Jonas Lüthy a estimé qu'il était plus proche des Eriosyce sous-section Islaya, un groupe principalement péruvien, mais Fred Kattermann suggère une relation plus étroite avec la sous-section Chileosyce 2). Les plantes de ce groupe possèdent une racine trapue en comparaison de leur petit corps et ont été placés dans le genre Thelocephala par certains auteurs.
L'habitat
En Février 2001, j'ai eu la chance d'accompagner Alfred Lau lors d’un voyage au Chili, où notre objectif premier était de re-visiter la localité type d’Eriosyce laui. Il y avait près de 15 ans que personne n’avait vu ces plantes dans l’habitat et le succès n’était pas garanti. Il est généralement admis que le climat de cette région est de plus en plus aride et que les cactus succombent à la sécheresse. Il a été observé que les grandes colonies d’Eulychnia iquiquensis, la plante la plus visible de la région, sont en phase terminale et en grande partie composées d’individus morts, avec peu, si ce n'est pas du tout, de régénération par semis.
Ce n'est qu'en visitant la région de Tocopilla que l'on peut apprécier à quelle point la zone est hostile et en allant plus haut dans la montagne où l’on ne trouve plus aucune sorte de vie végétale. Avant l'aube du 6 Février 2001, nous avons commencé la longue et difficile montée vers l'habitat des Eriosyce laui et c’est en atteignant le sommet de la première ligne de collines à 850m environ que les rayons du soleil ont commencé à nous toucher. Toute la journée nous avons cherché sur des pentes rocheuses nues, qui, à première vue, ressemblent à la surface de la lune. Mis à part quelques spécimens de Copiapoa humilis ssp. tocopillana, d’Eulychnia iquiquensis et d’Eriosyce iquiquensis épars et très desséchés, il n'y avait aucun de signe de vie. En milieu d'après-midi, nous avons dû abandonner notre quête d’Eriosyce laui pour revenir à la voiture avant la tombée de la nuit. A la fin de cette journée décevante, nous étions épuisés, assoiffés et brulés par le soleil.
Après trois autres semaines fantastiques au Chili, il nous restait une journée à occuper avant de prendre l'avion du retour, et nous avons décidé de retourner à Tocopilla pour tenter une seconde fois de trouver Eriosyce laui. Encore une fois, nous avons démarré avant l'aube et avons attaqué la longue montée vers les collines. Cette fois cela nous a semblé plus facile - 3 semaines sur le terrain avec Alfred est un excellent moyen pour se mettre en forme ! Cette fois, Lau sembla avoir une meilleure idée de l'endroit où rechercher et nous a entrainés à l'intérieur des terres. Cela semblait totalement absurde, les quelques cactus que nous avions trouvé auparavant étant plus proche de la côte. Il n'y avait pas le moindre végétal vivant dans ce désert stérile. En arrivant sur une zone avec des affleurements rocheux, Alfred a annoncé qu'il était temps de rechercher, nous invitant à vérifier précautionneusement les fissures et les crevasses des rochers pour trouver les plantes. Et ils étaient là, dans l'ombre profonde, invisibles à la plupart sauf aux yeux les plus déterminés. Nous avons trouvé nos premiers Eriosyce laui.
Alfred les a décrit comme de minuscules bijoux blancs. C'est une très bonne description. Qui croirait que quelqu'un visiterait cet endroit pour chercher des plantes ? Sans la ténacité d’Alfred, elle n’aurait jamais été découverte. Une fois que nous en avons eu une dans l’oeil, les plantes devinrent plus faciles à voir, mais elles restent rares et on n’en trouve jamais plus de deux ou trois au même endroit. Nous avons du trouver une trentaine de spécimens au total sur quelques petits rochers. Aucune plante ne faisait plus de dix millimètres de diamètre, et beaucoup étaient significativement plus petites. Tous les individus étaient sur les pentes Ouest qui leur permettent de capter le peu de la brume côtière qui arrive si loin à l'intérieur des terres. Le corps de la plante est vert et doux au toucher, un paradoxe, à l'opposé de ce qu’on pourrait attendre d’une plante résistante à une telle sècheresse. Un petit nombre d’Eriosyce iquiquensis morts a été trouvé à proximité mais cet habitat est dépourvu de toute autre vie végétale.
Un nouveau voyage en Novembre 2002 coïncida avec un événement El Niño mineur qui apporta une certaine humidité dans la région. Globalement, les plants d’Eriosyce laui étaient en meilleur état et plus visibles. Certains avaient encore des fleurs séchées. Nous avons exploré une zone plus large et avons trouvé plus de plantes, peut-être une cinquantaine au total. Même à cette période plus favorable, aucune autre plante en vie ne fut trouvée dans cet habitat, bien que sur les collines proches de la côte, diverses annuelles aient été trouvées en pleine croissance et floraison.
Description de la plante
Mottram (2001) a fait une description très détaillée de la plante et ce n’est pas le but de cet article de tout répéter une nouvelle fois. C’est pourquoi je vais décrire les caractéristiques les plus importantes mais aussi ce qui fait la particularité de ce taxon unique.
Le corps vert clair est petit, faisant au maximum un diamètre de dix millimètres dans l'habitat, mais jusqu'à trente millimètres en culture lorsque qu’il est greffé (je ne connais pas de spécimen en culture sur ses propres racines). Les plantes sont toujours solitaires dans la nature, mais rejettent anarchiquement lorsqu’elles sont greffées. La tige est très souple et n’a aucune structure interne rigide. Ceci est très inhabituel, en particulier si l'on considère l'environnement hostile et désolé dans lequel la plante vit. Il n'y a pas de côtes, la plante possède seulement quelques petits tubercules avec un appendice similaires à des feuilles d'environ un millimètre de long sous l’areole. Les dix à treize épines blanches et translucides sont fragiles et minces, mesurant jusqu'à dix millimètres de long. Il n'y a pas de différenciation entre les épines centrales et radiales. Les plantes ont des quantités variables de laine blanches très réfléchissantes, dans certains cas extrêmes, elle est complètement absente alors que dans d'autres, elle couvre intégralement la plante. Toutes ces caractéristiques sont très couramment trouvé chez les très jeunes plantes et laissent à penser que E. laui est une espèce fortement néoténique. La néoténie est la capacité d’une plante à conserver ses caractéristiques juvéniles, et donc à fleurir à ce stade. C’est un phénomène habituel chez les Cactaceae et est retrouvé chez autres espèces appartenant à d'autres genres non apparentés, de bons exemples peuvent être trouvés dans les genres Turbinicarpus et Blossfeldia.
Ces plantes étaient regonflées et en bonne santé et beaucoup avaient des restes de fleurs récents.
La racine napiforme est grosse, et pousse dans de toutes autres proportions que la partie aérienne, pour atteindre quinze centimètre de longueur. Elle fait son chemin à travers les fissures des rochers et s’en trouve très souvent aplatie, suivant le contour de la roche. Elle est réputée pour être cassante et sécher rapidement lorsqu'elle est déterrée. Roger Ferryman (1998) rapporte que leur chair est différente de celle des racines des Eriosyce du sous-genre Thelocephala mais plus proches de la structure de celles de Copiapoa. Personnellement, je n'en ai pas l'expérience, je ne peux donc pas confirmer cette observation.
Des vestiges de feuilles sont parfois trouvées dans la famille des cactus (elles sont bien développées chez les Matucana aureiflora), mais sont très rares chez les plantes matures. Cependant, les semis de Copiapoa et d’Eriosyce ont ces structures. Elles sont particulièrement visibles lorsque les plantules fraichement germées sont greffées sur Pereskiopsis pour accélérer leur croissance. Au cours de mes observations sur la morphologie des semis de Copiapoa, leur ressemblance avec les semis d’Eriosyce laui m’a frappé. La tige verte et douce, les épines blanches, la laine dense et les vestiges de feuilles sont tous identiques. La vulnérabilité d’une plante est plus grande au cours des premières années de sa vie, alors comment une plante peut vivre dans un habitat si hostile et évolue pour conserver cet état juvénile indéfiniment ? Je suppose que cette plante est caduque, ses têtes vivant pendant une courte période et ne poussant que lorsqu’il y a suffisamment d'humidité disponible. Dans des conditions de grande sécheresse, la tête peut mourir et la racine tubéreuse rentrer en dormance pendant de nombreuses années en minimisant ses pertes d'eau. Ce serait une façon de pousser unique chez les Cactaceae qui favoriserait naturellement la réduction de la tige, comme si la plante souhaitait minimiser l’utilisation des rares ressources. Poussée à l'extrême le corps devient très néoténique et ressemble à un jeune semis.
Eriosyce laui PH245.04. 2 clones issus d'un seul fruit d'habitat montrant une variabilité flagrante dans la quantité de laine produite | Sur le clone nu, les “feuilles” sous les aréoles sont visibles |
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Eriosyce laui a de petites fleurs qui émergent à proximité de l'apex. Je soupçonne que dans l'habitat seulement quelques unes sont produites de temps en temps, mais lorsqu’elles sont greffées, une profusion de boutons peuvent se développer simultanément. Parfois, plusieurs bourgeons se développent sur la même aréole comme cela peut se produire occasionnellement chez d'autres Eriosyce. En culture, la floraison se produit à foison pendant plusieurs mois pendant la saison de croissance, mais est à son apogée au cours du printemps. Les jeunes boutons floraux sont sombres, presque noirs. Les fleurs, une fois ouvertes font 20 mm de long et 15 mm de diamètre, jaune, brun-rougeâtre à l’extérieur des pétales. Le tube floral semble dépourvu de poils ou de soies, qui sont clairement présents chez toutes les autres espèces d’Eriosyce, mais il y a quelques très petites écailles. La période où chaque fleur s'épanouit peut durer jusqu'à une semaine, mais le stigmate n'est receptif que pendant les deux ou trois premiers jours (d’après une communication personnelle d'Aymeric de Barmon). Cette période de floraison prolongée est une adaptation à la faible population d'insectes volants de la région, qui limite les possibilités de pollinisation. J'ai passé plusieurs jours à Tocopilla et je ne me souviens pas avoir vu un seul insecte volant. Dans l'habitat, je présume que la floraison a lieu au cours de très bonnes conditions climatiques comme une manifestation d’El Niño, qui pourrait faire vivre une petite population d’insectes.
Développement du fruit chez Eriosyce laui (photos Aymeric de Barmon)
Après la pollinisation (la plante est auto-stérile) les fruits se développent. Il leur faut environ 10 semaines pour murir au printemps, mais approche d'un an si la pollinisation a eu lieu à l'automne (d’après une communication personnelle d’Aymeric de Barmon). Cette échelle de temps est plus proche de celle des Eriosyce que des Copiapoa où le processus de maturation est beaucoup plus rapide et prend de 3 à 4 semaines. Au départ, une sorte de petite mure se développe. Finalement, les fruits gonflent et s’allongent rapidement jusqu’à faire 35 mm en longueur, et deviennent roses. Il s'agit d'un mécanisme classique en cas de dispersion des graines par le vent et, bien que commun chez les Eriosyce, il n’est pas propre à ce genre. La description initiale faisait mention de fruits totalement nus, mais en fait il a un petit nombre d’écailles de couleur claire avec quelques petits poils blancs. C'est typique des Eriosyce, bien que chez Eriosyce laui les structure soient considérablement réduites en nombre et en taille. Plusieurs cas de rejets végétatifs se développant sur les fruits ont été signalés.
Les graines d’Eriosyce laui, jusqu'à 40 par fruits, sont très grandes en comparaison avec le corps de la plante. Des graines de 1,5 mm par 2 mm pour une plante qui est inférieure à 10 mm de diamètre est pour le moins exceptionnel. Le testa noir, brillant et lisse, est complètement différent chez les autres Eriosyce, à l'exception peut-être d’Eriosyce (Thelocephala) malleolata dont la structure des graines est assez différente. Noires et brillantes elles aussi, bien que beaucoup plus petites. Superficiellement les graines sont beaucoup plus semblables à celles trouvées chez les Copiapoa, en particulier C. solaris qui a des graines d'une taille similaire.
La morphologie des semis est également unique. Après la germination les plantules forment une goutte sphérique avec des cotylédons indistincts et réduits. Par la suite, le début de leur croissance à l’apex consiste en un petit nombre de petites feuilles sans épines. Je n'ai pas réussi à faire se poursuivre la croissance au delà de cette étape sans les greffer, tellement elles sont capricieuses. Elles semblent détester l'humidité excessive, mais à contrario n’aiment pas quand on les laisse se dessécher complètement. Je suppose que les plantules requièrent une simulation de l'atmosphère humide des brouillards côtiers de l'habitat, mais peu ou pas de précipitations. La reproduction par semis dans l'habitat doit être un événement rare et sporadique. Le temps pour que les plantes arrivent à maturité est inconnue, mais elle doit être relativement conséquente si les minuscules plantules (fig 11) observées en 2001, puis 20 mois plus tard en 2002 sont nées lors d'El Niño de 1997. Les plantules, lorsqu’elles sont greffées, commencent à être très cespiteuses très précocement. Les premiers rejets se font généralement sur des aréoles dormantes à proximité des cotylédons, alors que la tête principale se met à rejeter facilement lors de son développement.
Parentés
Eriosyce laui est un taxon avec une combinaison unique de caractéristiques qui ne cadrent aisément avec aucun genre existant. A cause de sa nature très néoténique, la morphologie grossière du corps nous donne très peu d'indications sur les relations possibles, ainsi nous devons mettre l'accent sur les structures reproductrices : fleurs, fruits et graines. Jusqu'à présent, il y a eu une série de suggestions. Lüthy et Kattermann ont estimé qu'il est plus proche des Eriosyce bien que dans une sous-section différente. Mottram au moment de la création du genre Rimacactus a suggéré une relation avec Matucana.
Je ne crois pas que la relation avec le genre Matucana soit correcte, les ‘feuilles’ (comme observé chez Matucana aureiflora) sont des caractéristiques néoténiques que l’on retrouve chez les très jeunes plantes de Copiapoa et d’Eriosyce. Au début, je pensais qu’Eriosyce laui pourrait être proche de Copiapoa, avec ses graines larges, noires et massives et une tige similaire à celle des plantules de Copiapoa. J'avais aussi l'idée fausse que les fruits d’E. laui étaient nus comme chez les Copiapoa. Toutefois, les semis d’Eriosyce peuvent aussi avoir un corps similaire et la morphologie des fruits s'apparente à celle des Eriosyce du sous-genre Islaya. Lüthy a également fait état d'une réaction chimique qui noircit le stigmate des Copiapoa, mais qui est absente chez Eriosyce laui. Tout ceci met en doute la parenté avec Copiapoa.
Je pense maintenant que Lüthy avait raison en le plaçant avec les Eriosyce. La fleur et le fruit sont le plus proche des Eriosyce mais ils sont réduits de toutes parts, tant et si bien que le tube floral et les fruits sont presque nus. Toutefois, la structure des graines est très différente de celle des Eriosyce ce qui me trouble. Toutes les autres caractéristiques morphologiques indiqueraient un taxon plus évolué et spécialisé, mais les graines noires et brillantes sont généralement considérées comme un caractère primitif. Une possibilité est qu’il a dérivé très tôt des Eriosyce ancestraux et a gardé une position basale dans le genre, ce qui pourrait expliquer la dérive moindre de la structure des graines. Cela a été suggéré par Nyffeler et Eggli (1997) dans leur article sur la morphologie des tiges chez les Eriosyce. Si cela est exact, E. laui ne devrait pas être considéré comme une plante primitive, mais plutôt comme une plante qui a fait évolué des fonctionnalités très spécialisées tout en conservant l’ancienne structure des graines pendant une longue période.
Aymeric de Barmon a entrepris un certain nombre d'expériences d'hybridation avec Eriosyce laui. Il a effectué sans succès des croisements avec diverses espèces d’Eriosyce du sous-genre Islaya et des Copiapoa. D'autre part, un fruit s’est développé avec un Eriosyce (Neoporteria) villosa, mais avec des graines stériles, et un Eriosyce (Neoporteria) paucicostata avec de graines pouvant germer. D'autres essais ont prouvé que les meilleurs éléments pour déclencher le développement d’un fruit sont dans le groupe des Eriosyce paucicostata. Toutefois, à chaque fois, ces fruits contiennent des graines hybrides qui germent mal et qui produisent des plantules sans chlorophylle.
Actuellement, j'accepte le placement de ce taxon dans le genre Eriosyce dans le sens large utilisé par Kattermann. Au sein du genre, il est plus proche géographiquement et morphologiquement du sous-genre Islaya. Toutefois, il existe un certain nombre de différences et peut-être que la création d'un sous-genre séparé serait approprié.
Habitat & Conservation
Eriosyce laui n'est connu que sur une aire très restreinte et seulement à quelques emplacements appropriés. Lors de mes deux visites à la localité type, seulement 30 à 50 plantes ont été trouvées. Nous n'avons pas procédé à une étude mais j'ai entendu depuis que des plantes ont été découvertes un peu plus loin, vers la côte. Malgré tout, je ne m’attends pas à une population de plus de quelques centaines de plantes. Malheureusement, j'ai entendu parler de collectes illicites et massives et au printemps 2004, après plusieurs jours de recherche seule une poignée de plantes a été trouvée. La collecte de cette espèce est un exercice inutile. Les plantes ne survivent pas à la transplantation, les racines étant beaucoup trop fragiles pour se rétablir avec succès. Cet acte de vandalisme a presque certainement placé cette plante au bord de l'extinction.
L'exploitation minière constitue aussi un danger pour l'habitat. Il y a nombre de mines dans la région, opérant sans égard pour la flore locale. Une population a même déjà été partiellement détruite par cette activité. Sauf si la distribution est plus répandue que l'on ne le pense, je suis très pessimiste quant à l'avenir à long terme de cette plante. Elle est très sensible aux perturbations, en raison de l'aridité de la région et de la niche écologique qu'elle occupe. Il est difficile de croire que la plante sera en mesure de se reproduire rapidement avec l'augmentation de la sècheresse, même si une protection lui est accordée contre l'activité minière et les collecteurs. C'est un des cactus les plus en danger et il est gravement menacé d'extinction dans son habitat.
Culture
Je n’ai connaissance d'aucune plante en culture sur ses propres racines, mais heureusement elles poussent bien greffées. J'ai fait germer des graines et au bout de quelques jours, j’ai greffé les jeunes plantules sur Pereskiopsis. La croissance est rapide et les rejets prolifèrent rapidement. L'enracinement de boutures est difficile, sinon impossible. Les rejets doivent donc être enlevés et greffés sur un cierge poussant plus lentement comme un Trichocereus. Seulement une légère pression doit être appliquée lors de la greffe en raison de la délicatesse du greffon. J'ai observé que cette espèce peut pourrir de façon inattendue, même greffée. La pourriture se propage rapidement dans toute la plante, avant qu’une opération de sauvetage n’ai pu être tentée. Cela peut être dû à une grande sensibilité à l’Helminthosporium cactivorum, un champignon qui se développe dans les stomates au cours de la période de végétation (observation personnelle d’Aymeric de Barmon). J'ai entendu des histoires semblables par d'autres personnes et je demande instamment à tous les producteurs de garder plusieurs pieds et de les multiplier régulièrement. Espérons que par la propagation et distribution à d'autres collectionneurs nous pourrons assurer la survie en culture de cette plante unique.
Séries de photos montrant le développement d'une plantule d'Eriosyce laui PH2465.04 greffé sur Pereskiopsis (Fig 12 à 17).
Photos supplémentaires de Paul Hoxey
Photos supplémentaires d'Aymeric de Barmon
Remerciements
Alfred Lau, avec une énergie et un engagement énormes, a recherché pendant de nombreuses années de nouvelles plantes dans les montagnes du Mexique et d'Amérique du Sud. Ses découvertes nous ont tous captivés et Eriosyce laui est sans doute l'une de ses plus remarquables découvertes. Ce fut un grand honneur que de l'accompagner au Chili pour voir cette plante dans l'habitat. Je suis également reconnaissant à Aymeric de Barmon pour ses photographies, mais aussi d’avoir partagé avec moi de nombreuses observations intéressantes sur cette espèce en culture. Enfin, un grand merci à Graham Charles et à Jonas Lüthy pour la relecture de cet article.
Bibliographie
- Lau, A (1983) South American Cactus Log- Part 22 CSSA Vol55 (1983) : 102-105
- Lau, A (1996) South American Cactus Log- Last Chapter CSSA Vol68 (1996) : 295-297
- Ferryman, R., Middleditch, H., Gamesby, J. & Rushforth, D (1998) Islaya laui? Chileans 17 (56):95-97
- Kattermann, F (1994) Eriosyce (Cactaceae) The genus revised and amplified.
- Lüthy J.M. (1994) Eriosyce laui Lüthy sp. nov. Appendix II: 120-124 in Kattermann, Eriosyce (Cactaceae) The genus revised and amplified.
- Mottram, R (2001) Rimacactus, a new genus of Cactaceae, Bradleya 19/2001: 75-82
- Nyffeler, R & Eggli, U (1997) Comparative Stem Anatomy and Systematics of Eriosyce sensu lato (Cactaceae) Annals of Botany 80: 767-786
- Hoffamnn, A & Walter, H (2005) Cactaceas - En la flora silvestre de Chile (Segunda Edicion)
Traduit pour le Cactus Francophone par Nicolas POINTEAU
Relu par Alain Laroze
Mise en page Alain Laroze et Nicolas POINTEAU
Publié le 2009/02/19.
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