Gymnocalycium, une revue alphabétique - B
John Pilbeam poursuit sa revue du genre Gymnocalycium en faisant une mise à jour de son livre publié en 1994 et maintenant épuisé.
Cet article a été originellement publié dans le British Cactus & Succulent Journal Vol. 23 (4). December 2005.
Merci à John Pilbeam et à la BCSS pour leurs autorisations de traduction et publication ici.
Photographies de Bill Weightman, John Pilbeam et Graham Charles.
5l Chelsfield Lane, Orpington, Kent, BR5 4HG, UK.
Email: jp[(@)]connoisseurs-cacti.fsnet.co.uk
Dans la première partie de ce qui se présente comme une véritable saga, je ne suis parvenu qu’à traiter la lettre « A ». Un début certes lent mais dû pour une bonne part à la partie introductive de cette révision. Il me semble qu’au regard de la lettre « B », je ne serai pas beaucoup plus rapide, mais comme elle contient quelques plantes remarquables, je ne voudrais pas en bâcler la présentation.
Le premier, Gymnocalycium baldianum a été le premier gymno que j'aie jamais vu. J'achetais déjà des plantes dans des magasins locaux depuis une année ou deux, quand j'ai remarqué qu'elles étaient vendus dans des boîtes en bois portant le nom du producteur. Elles venaient de Norwood, au sud-est de Londres, pas loin d’où je vivais avec mes parents, à Herne Hill. Il m'a suffit d'un simple coup de téléphone et j'ai été invité à visiter la pépinière, qui n'était pas réellement ouverte au public.
Le propriétaire m’apparut assez âgé (à mes yeux d’adolescent), il devait bien avoir 35 ans ! Sa serre était vraiment magnifique, pleine à raz-bord de centaines de plantes, allant d’adultes importées avant-guerre jusqu’à des douzaines de douzaines de jeunes plants. Le bâtiment était grand, plus ou moins carré et enterré de plusieurs pieds. Cette disposition a certainement aidé à préserver ses plantes tout au long de la seconde guerre mondiale, alors qu’aucun chauffage n'était permis pour les serres contenant de telles frivolités. L’une d'elles était le susmentionné Gymnocalycium baldianum et je me suis retrouvé avec un rejet d’un vieux pied qu’il possédait. La photo montre un des nombreux rejets produits par la suite par cette plante (Figure 1) ; un survivant potentiel en cas de problème. J'ai acquis plusieurs autres spécimens de cette espèce au cours des ans, quelquefois étiqueté G. venturianum, mais le nom G. baldianum n'a jamais été ébranlé malgré les bombardements des lumpers1) au fils des ans qui pourtant ont été plus intenses que ceux auxquels nous avons du faire face dans les années 1939 à 1945.
Il revient de loin, ayant été décrit au tout début du 20ème siècle par Spegazzini, il provient des environs d'Andalgala en Argentine. Il est populaire en culture car il est facile à faire pousser et fleurit abondamment chaque année, la couleur de ses fleurs varie du rouge au rouge-rosé, mais c’est toujours une grande joie de le contempler. Sa photo prise par Bill Weightman dans la nature (Figure 2) est une révélation : qui aurait pensé que cette plante familière, au corps verdâtre, globulaire et cespiteux connaissait des moments si difficiles dans l'habitat, avec une tige presque plate, solitaire et enterrée sous le sol sablonneux ?
Dans ces circonstances pourquoi a-t-elle de si petites épines pour sa protection ? Il se peut que, s’enterrant par temps de sécheresse, le besoin en épines soit réduit. Je pense que sa situation la plus courante est parmi les herbes, ainsi, peut-être, cet ornement est-il injustifié. Il reste un des favoris des collectionneurs du genre (dont moi) et peu de collections en sont dépourvues. Avec le temps il fera une touffe de rejets, et un tel amas fleuri est un éblouissement pour les yeux.
Le suivant dans la liste, Gymnocalycium bayrianum (fig. 23), est aussi l’une des espèces sans prétention mais tout de même attrayantes des provinces de Tucuman et Salta dans le Nord de l’Argentine. Il a suffisamment gardé ses caractéristiques pour justifier une espèce à part entière, acceptée depuis qu’il a été décrit en 1967 par Hans Till dans la revue germanique “Kakteen und andere Sukkulenten” (KuaS). Pour moi son charme provient du velouté de sa peau, l’utilisation d’une puissante loupe permet de voir la texture qui donne cet effet tactile. Il a de fortes épines recourbées sur son corps globulaire aplati, une propension à, semble-t-il, rester une petite plante, en atteignant de temps à autre 10 centimètres environ en culture, et en ne rejetant pas facilement. Comme vous pouvez voir sur la plante photographiée, il peut fleurir jeune, dès 5 centimètres de diamètre. Sous une bonne luminosité son corps mat se teintera d’une couleur rouge-orangé. Ses grandes fleurs font environ 6 centimètres de long et 4 centimètres de large, blanc crémeux avec une gorge rose-rougeâtre.
Une espèce décrite assez récemment et donc non incluse dans mon livre de 1994, est Gymnocalycium berchtii (figure 4), nommée d’après Ludwig Bercht, collectionneur de Gymnocalycium, à la fois éditeur du bulletin belgo-néerlandais “Succulenta”, et auteur d'une révision de ce genre dans une série d'articles dans cette revue au cours des années 1980. La plante vient de la province de San Luis en Argentine et a été décrite par Gert Neuhuber dans la publication du groupe d’étude autrichien sur les gymnocalycium : “Gymnocalycium” (en 1997, pages 219-220).
Bien qu’il soit disponible depuis quelques années il n'est toujours pas commun dans les collections ou dans les catalogues. Cela peut être dû à la couleur noire et peu engageante de son corps, mais plus certainement encore à cause de sa croissance lente (il pousse bien plus vite sous terre, avec sa grosse racine napiforme) et peut-être aussi à sa difficulté à s'adapter à la culture. Mais il mérite d’être recherché et d’essayer de l'obtenir puis de le cultiver pour sa taille et sa croissance limitées, produisant ses fleurs à seulement 2 ou 3 centimètres de diamètre en culture. Lentement, il fera une plante légèrement plus grande que cela (il a été décrit comme faisant seulement 4 à 6 centimètres de large dans la nature), mais il ne faut pas être pressé et le vieil adage sur le fait de se dépêcher lentement s'applique certainement à cette espèce si vous voulez la conserver. Il faudra aussi fournir un pot suffisamment profond pour permettre le développement nécessaire à sa longue racine. Les 3 à 5 épines aussi sont minimales, fines, noires, d’environ 1 centimètre de long et appliquées le long du corps. Les fleurs sont blanchâtres avec la gorge rose brunâtre, hors de toutes proportions comparativement au corps, avec presque 8 centimètres de long, 6 centimètres de large, sans doute pour attirer l'attention des pollinisateurs et des collectionneurs de Gymnocalycium sur une plante invisible autrement.
Juste une rapide mention de Gymnocalycium bicolor réduit en synonyme de Gymnocalycium mostii.
Ce qui nous amène à Gymnocalycium bodenbenderianum (Figure 5), dont j'ai, dans le temps, commandé les graines simplement parce que le nom était tentant. Plusieurs années plus tard, je me réjouissais d’avoir fait cet achat si tôt, car c'est un des plus lents du genre. A l'âge de 25 à 30 ans, il ne forme qu'une tige solitaire d'environ 12 centimètres de diamètre. C'est une de ces beautés brunes qui semblent faire fureur dans les expositions au Royaume-Uni, et l'obtenir parfaitement formé et sans défaut, après le nombre d’années requises afin d'atteindre une taille digne de ces expositions, est une affaire de soins attentifs sur plusieurs décades.
Il a été cité dans le catalogue de Carl Kurt Hosseus et Ferdinand Haage en 1928 et inclus par Alwin Berger dans son “Kakteen” comme Echinocactus bodenbenderianus. En 1936 Curt Backeberg l'a sorti des limbes et l'a embarqué sur le navire Gymnocalycium auquel il appartient clairement ; il reconnaissait un vrai Gymno lorsqu’il en voyait un en détresse. Il est largement antérieur à l’espèce G. riojense, maintenant disparue elle aussi, sous laquelle Hans et Walter Till, un jour de 1991 dans la publication du groupe Gymno autrichien, ont regroupé pas moins de 5 taxons et en ont érigé 7 nouveaux. Certains d'entre eux, ce que je comprends, sont considérés comme sous-espèces de G. bodenbenderianum dans le New Cactus Lexicon, à savoir ssp. kozelskyanum (Figure 6) (syn. G. kozelskyanum et G. riojense ssp. kozelskyanum), subsp. paucispinum (syn. G. asterium ssp. paucispinum, G. stellatum var. paucispinum et G. riojense ssp. paucispinum) et ssp. piltziorum (Figure 7) (syn. G. piltziorum et G. riojense ssp. piltziorum] — plus ça change2) et chacun pour soi et Dieu pour tous !
Les autres noms de variété créés dans la publication de 1991 citée précédemment ont disparu dans les abysses – si vous êtes curieux, vous pourrez voir la liste dans mon livre, ou mieux, toujours dans la publication autrichienne pour le texte (en allemand) et les images. J'ai essayé d’ériger l’un d'entre eux, le G. riojense subsp. paucispinum var. platygonum (Figure 8), au statut d'espèces en 1994, mais j'ai transgressé le Code International de Nomenclature Botanique (ce qui est chose facile !), donc il reste complètement submergé dans G. bodenbenderianum ssp. paucispinum - au moins cette superbe plante a-t-elle un nom, bien que non mentionné sur les petites étiquettes de mes plantes : il n'y a juste pas assez de place.
Toutes ces variations ont leur propre dénomination et je recommande à tout passionné de ce genre d’en cultiver autant que possible. Au moins ceux qui sont maintenant reconnus se trouvent fréquemment sur les listes commerciales. J'en ai inclus des photographies pour votre plaisir et pour, peut-être, vous inciter à les essayer – commencez le plus jeune possible !
Et nous arrivons à une espèce très populaire et courante : G. bruchii (figure 9), une plante pour le moins variable. G. albispinum, mentionné et représenté dans la première partie de cette revue, est également inclus sous ce nom. Il fut commun dans le temps mais devenu plus rare aujourd'hui. Ce nom a été donné par Backeberg à une plante sans origine connue dans la nature, avec pour caractéristiques principales un corps plus large et une spination plus impressionnante.
Durant les premières années de la guerre (1941, et en tant que londonien je m’en souviens très bien), une demi-douzaine de formes ont été décrites par Oehme pour des variantes mineures, maintenant oubliées depuis longtemps. Backeberg avait élevé une de ces formes au rang de variété en 1936, la var. hossei (figure 10). Elle était en circulation dans les années d'après-guerre, mais je ne l'ai pas revue, même sous un nom différent depuis un certain temps maintenant.
Plus récemment, au cours des années 80, deux variétés ont été en vedette. La première, décrite par Jörg Piltz (un pépiniériste amateur de gymno à Düren en Allemagne) dans Succulenta en 1987, est une plante découverte par sa femme près de Taninga, dans la province de Cordoba, en Argentine. Elle a été appelée, logiquement, var. brigittae (figure 11) et se différencie principalement par un corps plus sombre et des épines radiales plus courtes et plus ouvertes. Cette variété a été mal représentée dans mon livre de 1994. La plante sur la photo en couleur se rapproche en effet davantage de G. calochlorum, bien que la photo m'ait été envoyée étiquetée comme var. brigittae par quelqu'un qui aurait pourtant du le savoir, tout comme j’aurais du le savoir également ! Elle est correctement identifiée sur la photo ci-dessus.
La deuxième variété a été décrite également dans Succulenta comme var. niveum par Walter Rausch en 1989, (figure 12). C’est une petite plante, avec une spination blanche remarquablement dense. Elle vient de la même province, vers Capilla del Monte.
Il y a quelques dizaines d’années de cela il y avait de solides partisans du nom Gymnocalycium lafaldense, pour ce qui était clairement une forme de Gymnocalycium bruchii, aussi bien que pour des plantes présentant de légères différences avec le type. Il semble que l’ancienne garde avait renoncé à se battre sur ce point, lorsque les Autrichiens ont mis les pieds dans la mare 'bruchii' d'où ils ont à nouveau tiré ce nom. Gert Neuhuber dans la publication autrichienne sur les Gymnocalycium (2003) a ressuscité G. bruchii ssp. lafaldense, en montrant une plante parfaitement identique à une que je cultivais il y a de nombreuses années sous le nom de G. bruchii var. hossei. Puis il a mis en synonyme G. bruchii var. hossei, déjà mentionné dans cet article, ainsi que toutes les vieilles formes de Oehme de 1941 (albispinum inclus) aussi bien que la forme spinosissimum ajoutée par F. Haage et Simon dans KuaS (1973).
Il a alors continué, après avoir démoli toutes les vieilles formes, en décrivant deux “nouvelles” sous-espèces. La première est la ssp. pawlovskyi, se distinguant par une allure plus colonnaire et des épines pectinées. La seconde est la ssp. susannae, une grosse fille apparemment, avec un corps plus large, une dépression marquée à l’apex et un épiderme vert pâle ; et une nouvelle variété, var. glaucum, plus grand de corps et de fleurs, avec un épiderme sombre et glauque. Certainement déroutante, cette description n’est pas plus valide que les anciennes formes de Oehme, au sein d’une espèce extrêmement variable et devrait donc être mise au même niveau que toutes les autres dans le bloc « bruchii ».
Quoi qu’il en soit, dans toutes ses variations, G. bruchii est une belle espèce qui se différencie sensiblement des autres, avec en prime, chaque année, une abondante floraison dont la couleur est peu commune dans ce genre. De même que la spination ou le corps, la couleur des fleurs varie d’une plante à l’autre, de presque blanc à un rose très profond.
Enfin, presque en note de bas de page, G. buenekeri, que Buining a décrit à l'origine comme G. horstii var. buenekeri (KuaS,1970) et qui en a été par la suite fermement mis à la porte par Geoff Swales pour en faire une espèce à part entière dans le journal de l'association britannique (Cact. Succ. J. Gr. Brit., 40(4): 97 - 1978). Il semble qu'il est sur le point d'être réduit au rang de sous espèce de G. horstii dans le New Cactus Lexicon (je me demande ce que Geoff pense de cela). Nous y reviendrons à la lettre H.
RÉFÉRENCES :
- Arbeitsgruppe Gymnocalycium - Ôsterreichische Kakteenfreunde. (1988-2004)
- PILBEAM, J. (1995) Gymnocalycium - A Collector's Guide. Balkema, Rotterdam, Pays-Bas.
- HUNT, D. (1999) CITES Cactaceae Checklist.
Traduit pour le Cactus Francophone par Nicolas POINTEAU
Relu par Jean-Jacques Houdre
Mise en page Nicolas POINTEAU
Publié le 2010/01/29
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