Réflexions sur la classification des plantes
Par Jean-Marie Solichon, le 1999/12/10.
Voici quelques réflexions sur la classification des plantes, envoyées Par Jean-Marie Solichon sur le groupe de discussion cacti_succulents :
- Comment et pourquoi la classification évolue-t-elle ?
- Le dernier nom publié est-il nécessairement “le bon” ?
- Faut-il procéder à la valse des étiquettes à chaque recombinaison taxonomique ?
Voici des questions que se posent régulièrement les amateurs de plantes succulentes, et pas seulement les amateurs, croyez-moi !
C'est un sujet sur lequel il n'est pas facile d'avoir les idées claires, mais je vais essayer de fournir quelques éléments d'appréciation en utilisant une analogie. En l'occurrence, compte-tenu du fait que la taxonomie est, dans une certaine mesure, une construction de l'esprit (voir Anderson, Succulentes n°2/1998) mon analogie sera fondée sur le jeu de construction Lego (TM) que tout le monde connaît, je crois.
Nous voici donc en présence d'une grande boîte de Lego qui permet de construire un château (cette boîte = un genre de Cactacées). Le château est construit avec toutes les pièces de la boîte, il est fini. Et puis, un beau jour, quelqu'un arrive avec une petite boîte de pièces complémentaires : briques, fenêtres, tuiles, etc… (dans notre cas une ou plusieurs espèces ou sous-espèces nouvelles, une nouvelle aire de répartition, etc…) Deux options se présentent alors :
- soit on construit une nouvelle tour contre le château (nouvelle espèce ou sous-espèce sans recombinaison),
- soit on estime que les nouvelles pièces apportées justifient que l'on recompose tout ou partie du château, bien entendu pour en faire un château plus beau (= proposer une classification “plus juste” du genre considéré).
La question de savoir laquelle de ces deux options est la meilleure comporte une part de subjectivité, mais dépend aussi de la nature des nouvelles pièces contenues dans la petite boîte. Dans certains cas, il peut être évident que l'une ou l'autre des options est la bonne, dans d'autres il est difficile d'avoir une opinion tranchée et l'on peut estimer, notamment, qu'il faut attendre l'apport de nouvelles pièces pour s'estimer satisfait. De plus, seules quelques personnes connaissant parfaitement toutes les pièces disponibles (= les espèces, sous-espèces, aires de répartition, …) sont fondées à avoir un avis faisant autorité.
Considérons aussi qu'il n'y a pas que notre château (= notre genre) qui est en cause, mais aussi d'autres constructions comme des fusées, des bateaux, etc..(= d'autres genres au choix). A tous les niveaux de la taxonomie se pose la même problématique qui peut aller jusqu'a recomposer un château et une fusée pour faire une nouvelle fusée plus belle (= recombiner Neoporteria et Eriosyce pour fabriquer un nouveau Eriosyce plus étendu).
A chaque recombinaison de quelque niveau que ce soit se pose la question évoquée deux paragraphes plus haut.
En conséquence :
- il ne faut pas s'attendre à ce que la taxonomie cesse d'être modifiée
- la dernière recombinaison ne saurait prétendre à être définitive
- la valse des étiquettes ne se justifie pas, “wait and see” est une démarche beaucoup plus sage
- des appréciations “sentimentales” (au moins en partie) ne sont pas nécessairement à rejeter : “Je veux garder Trichocereus et Lobivia, pas les fondre dans Echinopsis…”
- de temps en temps une publication fait référence et permet de se recaler (Britton & Rose, Backeberg malgré ses défauts, Barthlott & Hunt, IOS Lexicon ou Anderson à venir…choix personnel et non exhaustif)
- des publications intermédiaires à l'échelle d'un genre permettent de faire avancer les choses entre deux recalages
- des publications comme la Cactaceae checklist servent surtout à se retrouver dans la jungle de tous les noms, mais ne sont pas un traitement taxonomique de la famille
Auteur : Jean-Marie Solichon.
Publié le : 1999/12/10.
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